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02 | 2019 LE MAGAZINE CLIENTS DE RITTMEYER Accompagner pour changer Numérisation & co. : l’homme dans l’action Complètement caché Un travail plein de responsabilité et peu reconnu Réfléchir (plus) largement Les traces humaines dans l’eau potable

EXPERTISE NTRE NOUS Plus de 50 000 personnes travaillent dans près de 700 fournisseurs énergétiques, plus de 3 000 régies des eaux et plus de 750 stations d’épuration communales, ainsi que dans toutes les entreprises chargées de dépolluer l’environnement. La plupart, certes dans l’ombre, restant souvent méconnus de la population. Mais pourquoi s’en inquiéter ? Le courant arrive toujours par la prise et l’eau coule normalement du robinet. Sans parler des près de presque 200 mètres cubes d’eaux usées qui passent au travers des canalisations, et dont personne ne veut s’occuper. Année après année, ces personnes font face à des tâches de plus en plus complexes : nouvelles technologies, réglementations plus strictes, recherche perpétuelle d’efficacité. Elles portent une très lourde responsabilité sur leurs épaules. Sans leur travail, la lumière resterait éteinte, l’approvisionnement en eau s’effondrerait et nos cours d’eau deviendraient très vite un cloaque. Amener la jeune génération à se tourner vers de telles tâches semble bien compliqué. Les apprentissages manuels de base n’appartiennent pas aux métiers rêvés. À l’origine se trouve souvent une perception complètement erronée comme le constate au quotidien le conseiller d’orientation Bruno Ruoss. Au cours de l’article à la page 20, il s’interroge sur les raisons et les moyens d’y remédier. 02 | 2019 2 | 3 transfer

Ce défi quotidien n’est autre que l’histoire de Ruedi Moser qu’il nous raconte lors de notre entretien (page 6). Il passa quinze ans auprès de la VSA à former le futur personnel des stations d’épuration à ce métier aux multiples facettes. Une complexité grandissante des tâches implique une recherche croissante de personnel qualifié au profil interdisciplinaire. La ZHAW, l’Université des sciences appliquées de Winterthur, s’interrogea sur l’adéquation entre formation et besoins du secteur de l’approvisionnement énergétique. Prof Joachim Borth explique à la page 10, les raisons qui ont poussé à la création du nouveau cursus « Énergie et génie environnemental ». Les nouvelles technologies sont synonymes de progrès : une quasi-certitude. La « numérisation » est de nos jours dans toutes les bouches. Mais elle change aussi la donne de notre environnement de travail – et le quotidien des gens qui y participent. Comment réussir cette évolution ? Prof Dr Gudela Grote, professeur de psychologie du travail et des organisations à l’École Polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), nous l’explique lors de notre entretien à la page 22. Rallier les gens autour des solutions, ne pas considérer les nouvelles technologies comme un remède miracle, deux points dont Eugen Pfiffner, PDG de la société IBB Energie AG est conscient. Il nous montre à la page 30, les voies qu’il a choisies de prendre. Combattre l’indifférence face à notre environnement et le travail humain pour le préserver, voilà le moteur qui fait avancer la fondation Schtifti. Avec son programme « Gorilla », elle fait bouger les enfants et les jeunes au travers du sport freestyle, leur montre une alimentation saine et les sensibilise à la durabilité au quotidien. Elle les amène à se réconcilier avec l’aliment le plus précieux : l’eau potable. Découvrez à la page 36, comment elle a remporté son pari. Ne négligeons pas notre part de responsabilité dans le maintien d’une eau propre. Pourquoi se contenter de laisser seul le personnel des stations d’épuration et des régies d’eau potable éliminer les polluants que nous déversons sur l’environnement ? Dr Urs von Gunten, Dirigeant du groupe de travail « Chimie dans l’eau potable » à la SSIGE, nous rappelle l’importance de considérer la qualité de l’eau potable dans un cadre global (page 26). Tous ces articles dans « transfer » et bien d’autres nous ouvrent les portes sur le quotidien et l’environnement de nos secteurs d’activité. Ils nous rappellent de dire MERCI pour cet engagement sans faille, afin que demain aussi, nous profitions encore d’une eau propre et d’électricité dans nos prises. Des activités tout simplement à respecter ! Avec tous mes remerciements, Thomas Wirz CFO, Rittmeyer AG PS : Et si ce numéro est source à discussions, nous en serons ravis. N’hésitez pas et profitez de l’occasion. Nous en serons très heureux. C’est l’homme au cœur de tout cela Accordons-y (de nouveau) plus d’attention. ENTRE NOUS

6 22 SOMMAIRE Mentions légales transfer est le magazine clients bisannuel de Rittmeyer AG. Éditeur Rittmeyer AG Un société du groupe BRUGG Inwilerriedstrasse 57, CH - 6341 Baar www.rittmeyer.com Directeur de publication Andreas Borer Rédaction et mise en page up! consulting ag, Ruggell (FL) Email à la rédaction transfer@rittmeyer.com Crédit photo Rittmeyer AG, iStock (p. 1, 5, 10–15, 20, 22, 25, 28–30, 32–33, 41–43), Adobe Stock (p. 26–27), AIL SA (p. 34–35), Fondation Schtifti (p. 36–39), Organisme chargé de l’environnement de la Principauté du Liechtenstein (p. 43), Édition NZZ (p. 43), mise à disposition à titre privé Date de parution jeudi, le 31 octobre 2019 Mauvaise adresse ? Veuillez nous informer si votre adresse a changé : www.rittmeyer.com/adresse Les points de vue et les avis de tierces personnes qui sont publiés dans le cadre des articles, ne correspondent pas forcément avec les points de vue et avis de Rittmeyer AG. EXPERTISE & ENTRETIEN APPLICATION EN BREF 10 Technique versus gestion : l’adéquation des besoins du marché avec les filières de formation. 13 L’époque ou programmer rimait avec « souder » : l’ingénieur en projets Josef Stocker à propos de ses 40 ans de service chez Rittmeyer 16 Complètement caché : autour du travail (quotidien) à la centrale Bärenburg 20 Si je ne connais pas … Rallier les jeunes à des métiers méconnus 26 Réfléchir (plus) largement : polluants, changement climatique et politique – tous ces défis des fournisseurs en eau potable 30 Accompagner pour changer : le management en pleine mutation 34 Jeter un œil en profondeur : une étude sur le déclenchement des pompes des eaux phréatiques 36 Avec le programme « Gorilla » de la fondation Schtifti, l’eau potable devient cool Rallier les hommes Un entretien avec le Prof Dr Gudela Grote autour de la « numérisation du monde du travail » Ces inconnus pourtant si importants Ou : le travail méconnu des spécialistes de l’épuration. 40 À pied d’égalité entre les employés et le processus 41 Collaboration étroite au service d’améliorations insoupçonnées de l’exploitation 02| 2019 4 | 5

Environnement et métier Entre 1985 et 2009, les zones habitées ont augmenté de 0,75m2/s EN BREF Sources : Office Fédéral de la statistique OFS, Ministère fédéral allemand du travail et des affaires sociales : « numérisation du poste de travail » Entre 1985 et 2009, la surface habitée a augmenté de 23%, soit de 584 km2. Dans la même période, le besoin en zone habitable par personne a augmenté de 20m² à 407m². +4,9% 2000 79891 2017 155494 La part du secteur écologique dans l’emploi total a augmenté de 2,3% à 3,9%. Augmentation de l’emploi dans le secteur écologique suisse entre 2000 et 2017 (emplois à temps plein) +95% 3,9% 83% 78% 32% 56% des interrogés utilisent les technologies numériques dans leur travail. Le Ministère fédéral allemand du travail et des affaires sociales a interrogé 7 109 employés dans 771 entreprises sur la numérisation dans leur travail. L’étude présenta les résultats suivants : considèrent nécessaire de continuer à se former. disposent d’une large marge de décision. constatent une augmentation de leur productivité. 2009 1985 Zone industrielle et commerciale Zone des bâtiments (par ex. immeubles d’habitation, bâtiments publics ou agricoles) Zones de circulation (par ex. rues, zones ferroviaires ou aéroports) Surfaces habitées particulières (par ex. décharges, chantiers) Espaces de loisir et verts 0 3000 km2

ENTRETIEN CES INCONNUS POURTANT SI IMPORTANTS Ou : le travail méconnu des spécialistes de l’épuration ENTRETIEN Ruedi Moser Ingénieur en génie environnemental (ETH) : directeur du secteur et partenaire de l’Hunziker Betatech AG, formateur depuis de longues années du personnel des stations d’épuration (VSA). 02| 2019 6 | 7

Monsieur Moser, vous étiez responsable des cours de base A1 et A2 du personnel d’exploitation des stations d’épuration à la VSA. Pendant quinze ans, une activité pratiquée en sus de vos occupations régulières, quelles étaient vos motivations ? La protection des cours d’eau joue un rôle central à mes yeux. Pour y faire face, chaque participant doit assumer pleinement son rôle. La construction des stations d’épuration a pour vocation d’assister le personnel des stations dans leur travail. Nous avons besoin d’une automatisation qui donne une vraie chance au personnel de surveiller les processus et d’y intervenir si nécessaire. Car finalement, c’est lui qui exploite et entretient les installations. Il devient alors décisif pour une protection des cours d’eau réussite. C’est pourquoi nous devons impérativement investir dans cette formation. Je trouve vraiment dommage que le métier reste toujours aussi méconnu. Je parierais même que la plupart des gens en Suisse, ne savent même pas où se situe la station d’épuration de leur commune. Ils ont une entière confiance en « cette personne » qui se charge de l’épuration, toujours avec la même fiabilité. Ils ne leur viendraient sans doute pas à l’esprit qu’il en soit autrement. Dans le même temps, ils ne s’intéressent pas de qui s’en occupe, où comment elle s’en occupe ni du travail qu’elle réalise. Une attitude quelque peu étrange. Peut-ont préparer le futur personnel des stations d’épuration à leurs responsabilités à venir, et les conforter dans leurs activités ? La responsabilité occupe une place centrale dans la formation. La pollution des cours d’eau représente bel et bien un délit officiel lui conférant un caractère explosif. Mon message reste toujours : la clé c’est la transparence et l’information. J’essaie d’apaiser leurs craintes, les encourage à faire confiance à leurs expériences en cas de problème et à agir, ainsi qu’à informer rapidement de tout incident et à ne rien dissimuler. Les jeunes participants s’en accommodent plus facilement que leurs aînés. Je pense que la formation peut faire bouger les choses afin de mieux appréhender les erreurs sans craindre de les reconnaître. Bien sûr le canton sert d’un côté de régulateur, et de l’autre, il peut et veut apporter son soutien. Des spécialistes très compétents y travaillent aussi. Mais au bout du compte, tout dépend de la bonne volonté des deux partis à travailler ensemble. N’oublions pas que ce n’est pas le canton qui informe, mais bel et bien une personne. Il faut donc se rencontrer et apprendre à mieux se connaître. Si ce contact fonctionne Le travail dans les stations d’épuration ne cesse de gagner en complexité : les nouveaux polluants exigent de nouveaux processus et méthodes. La protection des cours d’eau pose aussi de nouvelles exigences liées aux réglementations et législations de plus en plus compliquées. Le directeur de la station d’épuration porte ici toute la responsabilité, même si ce travail reste le plus souvent méconnu, voire parfois dénigré. L’Association suisse des professionnels de la protection des eaux (VSA) les spécialistes de ce secteur. Nous nous sommes entretenus avec Ruedi Moser sur son travail et cette formation en pleine mutation. « Dans le passé les communes sous-estimaient souvent le travail du personnel des stations d’épuration, et le confiait en parallèle à une quelconque personne. Cette situation s’est nettement améliorée. » →

ENTRETIEN bien en temps normal, il en continuera de même en cas de problème. Lorsque cette acceptation mutuelle n’existe pas, cela devient vite dangereux. Malgré sa grande responsabilité envers nos cours d’eau et notre environnement, le personnel des stations d’épuration ne jouit pas vraiment d’une grande popularité, ni de la valorisation de son travail par la société. Comment y remédier ? Nous assistons vraiment parfois à des situations difficiles, voire soulignant une certaine ignorance. J’ai déjà rencontré des élus qui n’avaient jamais mis les pieds dans la STEP de leur commune. Pourquoi alors ne pas prévoir le prochain conseil dans la station d’épuration (en riant). Il est question ici tout de même de la reconnaissance d’une activité. Les spécialistes trouvent cette dernière auprès de leurs collègues régionaux. Un objectif important de la formation réside dans la mise en réseau. Comme je le dis souvent, nous les spécialistes de la protection des eaux, nous devons nous serrer les coudes et fêter nous-mêmes nos succès. Mais de nombreuses occasions se présentent aussi pour que l’opinion publique prenne conscience de ce travail. Par exemple lors de la construction ou de la modernisation, pourquoi ne pas organiser des journées portes- ouvertes ? Ou encore lors de la construction d’un bassin pluvial souterrain, car personne ne le voit. Nous avons ici nettement progressé au cours de ces quinze dernières années. Aujourd’hui on agit beaucoup plus de manière pro-active. Ainsi, des classes visitent de plus en plus les stations d’épuration. Il s’agit souvent de la seule fois où quelqu’un découvre une STEP de l’intérieur. C’est pourquoi, ce moment doit être une réussite. Le personnel des stations d’épuration met souvent tout son cœur et son engagement dans l’organisation de telles visites. Les relations publiques sont donc cruciales. Est-ce un des axes de la formation ? Il s’agit bien d’un thème de formation et d’une activité, mais elle reste bien sûr secondaire par rapport à l’exploitation et la maintenance. Cependant il est important de s’en charger : par exemple, inviter un journaliste à passer une journée dans la STEP lors de l’accalmie estivale. Ou encore, pourquoi ne pas inviter son club à découvrir son poste de travail et offrir l’apéro pour finir. Toutes ces activités demandent beaucoup d’engagement de la part du personnel. Mais de telles actions défient vraiment certains d’entre eux dont le caractère n’est pas vraiment extraverti. Ils travaillent dans l’ombre et cela leur convient. Rien d’étonnant, car finalement, ils travaillent jour après jour seul ou qu’avec une petite équipe, sans que personne ne s’en soucie. La numérisation : elle n’épargne pas non plus les stations d’épuration. Comment le personnel dans les STEP et vous-même l’abordez-vous pendant la formation ? On rencontre ici de vrais freaks qui font le tour de leur STEP avec leur tablette à la main. Mais on voit aussi ceux qui privilégient le papier. C’est la même chose pour la formation. Le mètre de classeurs de formation pourrait tout aussi bien exister en version numérique (riant). Certains profitent ainsi pleinement de leur système de conduite et en font vraiment les louanges. Nous en reconnaissons dans tous les cas les avantages comme ceux offerts par les capteurs. Cependant, travailler dans une STEP demande de l’intuition, une écoute de l’installation ainsi que la capacité d’entretenir l’équipement comme le démontage des pompes. Dans une STEP, nous ne devons pas tout confier au numérique et nous dire « tout est au vert » dans le système de conduite, la ronde devient donc inutile. Il faut se rendre aux bassins de post-traitement, vérifier la présence de la mousse et si rien n’a changé. Les odeurs et les couleurs sont-elles différentes ? Voilà des choses essentielles auxquelles nous attachons une grande importance pendant la formation. Peut-ont l’enseigner pendant la formation ? Transmettre exactement toutes les facultés dans les formations initiales est quasiment impossible. C’est pourquoi nous exigeons que les participants aient travaillé auparavant dans une station d’épuration pendant au moins un semestre. Ils connaissent alors le quotidien de la STEP et ont déjà rencontré l’une ou l’autre des questions qui se posent pendant la formation. Nous accordons donc une large place à l’interaction entre les participants afin d’échanger leurs expériences. La formation devient de plus en plus approfondie et les exigences envers l’exploitation, de plus en plus complexes. Quel est le profil aujourd’hui du personnel des STEP ? Les qualifications initiales restent celles des métiers pratiques : électriciens, serrurier, mécanicien de machines agricoles, etc. Rien n’a changé ici. De plus, la personne doit être communicative, car la communication est essentielle à la fois vers le canton, mais aussi avec son association professionnelle ou encore lors de présentations de son travail afin de mettre en valeur le métier. Bien que les candidatures n’affluent pas forcément, nous ne devons pas nous limiter aux seules compétences professionnelles. 02| 2019 8 9 |

« Exploitation professionnelle » – qu’avec des spécialistes. Dans « Les aides à l’exécution sur l’exploitation et le contrôle des stations d’épuration » de l’Office fédéral de l’environnement, on parle d’une exploitation professionnelle dans le chapitre 2.: « (…) Les personnes responsables de l’exploitation doivent posséder les connaissances spécialisées requises et doivent être en mesure de déceler rapidement les anomalies de fonctionnement et de prendre les mesures qui s’imposent. (…) Les responsables de l’exploitation de STEP et leurs suppléants doivent posséder le brevet fédéral. Pour les petites stations peu complexes, il est possible, en accord avec l’autorité, d’appliquer des exigences moins strictes à la formation du personnel (le certificat VSA/FES peut p. ex. suffire). (…) Le personnel auxiliaire et celui du service de permanence, régulièrement sollicités, doivent être en mesure de s’acquitter de manière professionnelle/ compétente des tâches qui leur incombent. (…) » L’Association suisse des professionnels de la protection des eaux (VSA) et le Groupe romand pour la formation des exploitants de station d’épuration (FES) proposent des blocs de formation de base et approfondie, ainsi que des formations complémentaires destinées au personnel d’exploitation des stations d’épuration. En savoir plus : www.vsa.ch/fr/formations-et-congres/ formation-des-exploitants-de-step Dans le passé les communes sous-estimaient souvent le travail du personnel des stations d’épuration, et le confiait en parallèle à une quelconque personne. Cette situation s’est nettement améliorée. Pour finir : la formation est difficile et coûteuse, chose souvent critiquée. La formation du personnel d’exploitation des stations d’épuration avec à la clé un brevet fédéral dure normalement quatre ans. Mais on ne peut quasiment pas faire autrement, car la formation se fait en continu. Personne ne peut s’o�rir le luxe que le personnel manque une semaine plus de deux ou trois fois, afin de se rendre aux modules de formation. Les coûts liés à cette formation sont évidents. Mais les communes et les regroupements doivent ici faire face à leurs obligations en tant qu’exploitants afin de garantir une exploitation professionnelle de leurs STEP. Pour les petites installations, la formation de la base VSA suffit. Il faut le voir au cas par cas avec l’administration responsable. La formation du personnel des stations d’épuration par la VSA est tenue par des professionnels suivant le principe de milice. Quand vous faites le bilan, les avantages prédominent-ils ? Avec ces formations on profite très largement du système de milice. Il faut toujours des experts qui se chargent d’une partie de la formation. Les enseignants relèvent ici de grands défis en sus de leurs obligations professionnelles. À cela s’ajoute la complexité pour organiser une telle formation. La VSA assiste ici heureusement les enseignants. Nous nous efforçons bien entendu de répartir au mieux les différents thèmes et tâches afin de rendre la formation plus compatible avec la milice : chose ne rendant pas la formation plus économique. En outre, nous attendons une augmentation du nombre de demandes de formation dans les années à venir, et la formation gagnera en complexité. De mon point de vue, cette forme présente néanmoins un énorme avantage : le futur personnel d’exploitation rencontre les différents référents renommés pour leur expertise, et profitent de leurs expériences pratiques actuelles : c’est une grande chance. Monsieur Moser, merci beaucoup pour cet entretien. « Le personnel d’exploitation des stations d’épuration est décisif pour la réussite de la protection des eaux. »

EXPERTISE & ENTRETIEN Les métiers évoluent. Le changement global vers les énergies renouvelables augmente les besoins en spécialistes multidisciplinaires. Le nombre d’étudiants des cursus techniques n’évolue cependant pas assez vite. La ZHAW, l’Université des sciences appliquées de Zurich s’est donc penchée sur l’adéquation des attentes du marché avec les spécialités des cursus. Une réponse n’est autre que le cursus « Énergie et génie environnemental ». TECHNIQUE VERSUS GESTION? Un cursus qui les réunit EXPERTISE & ENTRETIEN 02| 2019 11 10 |

Les besoins des petites et moyennes entreprises Les entreprises s’intéressent de plus en plus à une optimisation globale des installations et des bâtiments. Les solutions écologiques et sociales gagnent en importance. Les spécialistes en génie mécanique et électrotechnique doivent désormais répondre à des questions sur la rentabilité, la durabilité et l’écologie. Se concentrer seulement sur l’aspect technique ne suffit plus de nos jours. Réunir les disciplines La licence en « Énergie et génie environnemental » de l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) à Winterthur couvre ces disciplines. Ce cursus supérieur s’axe autour des thèmes suivants : techniques environnementales thermiques, énergies renouvelables électriques, durabilité et technologies. Les étudiants acquièrent des connaissances approfondies et des méthodes afin de concevoir, planifier et exploiter les installations énergétiques. La ZHAW développe son cursus autour de concepts énergétiques durables, globaux et praticables. Outre les compétences spécialisées, le cursus développe les compétences générales autour de la société, l’économie et l’environnement. Cette association est à l’heure actuellement unique. Le cursus dure six semestres et aboutit à la Licence en sciences ZFH en Énergie et génie environnemental. Les étudiants peuvent ensuite poursuivre par un Master de sciences en ingénierie (MSE). L’université propose aussi les deux cursus en formation continue. Tourné vers la pratique La ZHAW travaille en étroite collaboration avec l’industrie. Les étudiants et étudiantes ont ainsi la possibilité de mettre en pratique et d’approfondir leurs connaissances au cours de leurs projets R&D interdisciplinaires. Les projets et mémoires visent à proposer des solutions pratiques afin de répondre aux tâches de l’industrie, des bureaux d’étude et des administrations. Axée sur la pratique, cette filière universitaire ouvre de nombreuses portes professionnelles aux étudiants. Sans année pratique pour les bacheliers Le cursus de licence dure trois ans à temps complet et s’adresse avant tout aux professionnels titulaires de la maturité professionnelle. Les bacheliers intéressés peuvent intégrer le cursus universitaire sans année pratique préalable. La ZHAW propose à cette fin un cursus de licence professionnalisé. La durée « De nos jours, sans connaissance du génie environnemental, il est quasi impossible d’exploiter une installation d’approvisionnement énergétique. » Le cursus universitaire est proposé à l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW). Vous trouverez de plus amples informations sous : www.zhaw.ch/de/engineering/studium/bachelorstudium/ energie-und-umwelttechnik En savoir plus Prof Dr Joachim Borth, Responsable du cursus « Énergie et génie environnemental » des études s’étend alors à quatre ans. Les jeunes talents quittent ainsi la formation avec une première expérience professionnelle acquise au cours des douze mois de stage effectués dans des entreprises partenaires : une spécificité jusqu’ici unique. Un semestre à l’étranger sur la base du volontariat vient augmenter les chances professionnelles tout en élargissant son horizon culturel. Lisez à ce sujet l’entretien avec le directeur du cursus, Prof Dr Joachim Borth, sur les raisons d’un tel cursus et les défis actuels auxquels l’éducation suisse est confrontée. (page suivante). →

ENTRETIEN « Les entreprises cherchent des ingénieurs de 30 ans avec 10 ans d’expérience professionnelle. Cela complique l’entrée dans le monde du travail des diplômés. » Monsieur Prof Dr Borth, quelles expériences avez-vous acquises jusqu’ici avec ce cursus relativement récent ? Sa direction est-elle la bonne ? Oui les retours que nous recevons de l’industrie et des diplômés nous montrent que nous sommes sur la bonne voie. Notamment dans le génie environnemental, les disciplines sont clairement délimitées. Le secteur a cependant un besoin urgent en spécialistes multidisciplinaires. Nous essayons avec notre cursus de dissoudre les frontières entre les disciplines. Bien sûr, il serait souhaitable d’éliminer ses clivages dès les apprentissages. Mais un chauffagiste n’a pas le droit d’installer de l’électrotechnique, même s’il en maîtrise les règles. La législation pose ici des limites bien précises. La compréhension des différentes interactions ne cesse de gagner en importance. Comment faire évoluer notre système éducatif afin d’en tenir compte ? En ouvrant systématiquement le dialogue et en nous engageons encore plus dans les écoles. On ne plébiscite pas su�samment les métiers scientifiques auprès des élèves. Nous devons commencer dès l’école primaire. Actuellement nous ne sommes pas obligés de nous intéresser à la technique ni aux matières scientifiques. Le secondaire de son côté, prépare bien les élèves à leur orientation professionnelle, mais ils ne reçoivent que peu d’informations sur la formation continue proposée par les cursus professionnalisés. C’est pourquoi dans le passé, le souhait d’accéder à la maturité professionnelle ne se dessinait que pendant l’apprentissage. Je pense qu’il est nécessaire de faire mieux connaître les formations continues techniques dans le secondaire. Plus généralement, nous devrions nous appliquer à rendre la technique plus captivante et à encourager les femmes à opter pour une formation technique. Comment parvenez-vous à enseigner les matières à de jeunes adultes sans formation technique tout en maintenant la formation académique attractive ? La formation s’appuie fortement sur la pratique. Les étudiants assimilent ainsi beaucoup mieux les contenus enseignés. Nos diplômés câblent eux-mêmes les armoires électriques lors des projets R&D. Mais ils conçoivent dans le même temps des enregistrements de mesures, les analysent et programment les interfaces utilisateurs. Les étudiants doivent donc être capables de programmer ? Lors de nos entretiens avec les entreprises, nous avons constaté le besoin en ingénieurs spécialistes de l’environnement qui maîtrisent la programmation. Moins il y a d’interfaces lors du développement de solutions, plus ces-dernières sont ciblées et réussissent. Nous avons donc intégré la programmation avec Python à notre formation. Ainsi seuls des étudiants prêts pour le monde du travail sortent de notre cursus. À quel point l’entrée dans le milieu professionnel se passe-t-elle plus facilement ? Et quel rôle joue le facteur de « l’expérience professionnelle » ? L’expérience professionnelle reste, comme auparavant, activement recherchée. Notre filière professionnalisée s’avère un excellent bagage pour débuter. La majorité de nos étudiants intègrent notre cursus avec déjà un bagage professionnel issu de leur apprentissage. Ce dernier les accompagne tout au long de leur formation, qui à son tour, leur apporte les connaissances théoriques. Jeunes diplômés, ils entrent ainsi directement dans le monde professionnel et accomplissent un excellent travail. Bien sûr, il faut encore préparer les jeunes professionnels aux spécificités de l’entreprise. Merci beaucoup pour cet entretien. 02| 2019 13 12 |

0100011011100011101100001 00110110010010101111010111 01101100010 0 Quarante ans de changement, ou pas ? ENTRETIEN 1 0 0 10110 0111 Quatre décennies se sont écoulées depuis. Cela fait déjà si longtemps que Josef Stocker travaille chez Rittmeyer, et au service de l’hydroélectricité. Quelles raisons ont poussé l’ingénieur en projets à rester fidèle au secteur et à l’entreprise ? Quels changements atil survécu ? Autour d’une tasse de café, il nous le raconte. Quand « programmer » rimait avec « souder » Baar, Inwilerriedstrasse 57, au siège de Rittmeyer. Josef Stocker nous rejoint à la réception. Joyeux, il nous salue. Nous nous dirigeons alors vers la salle de réunion au premier étage. Nous passons devant une salle lumineuse et remplie de nombreuses chaises colorées. Quelques sièges et tables regroupés, un football de table et des petits groupes qui boivent des cafés, discutent de nouvelles idées et rient : tout semble inspiré ici la créativité. Nous nous sentons un peu comme au beau milieu de la Silicone Valley. Arrivés en haut, nous entendons les tapotements de claviers déjà plus habituels et des ingénieurs s’entretiennent à leur bureau sur leurs projets. Nous prenons place dans une salle de réunion plus calme à côté. Le temps d’une petite pause, la chemise turquoise de notre hôte ne nous échappe pas – on la croirait presque assortie aux couleurs de l’entreprise. Une chose nous saute immédiatement aux yeux : Josef Stocker s’épanouit pleinement dans ce qu’il fait. →

ENTRETIEN jourd’hui, par les dimensions des technologies dédiées aux centrales hydroélectriques : « sentir » la puissance des machines et découvrir le bruit de l’eau lorsque plusieurs mètres cubes d’eau par seconde déferlent au travers du barrage. « À ce moment, tu prends pleinement conscience de ta responsabilité et de l’importance de ce que tu fais. » Il faut l’avoir vu, explique-t-il. Amener les jeunes gens dans les centrales et éveiller leur intérêt pour développer des passions, aiderait selon lui, à ramener les jeunes vers les métiers de ce secteur. En plus, il travaille avec des types de centrales, principes de mesure, conduites sous pression, etc. très diverses, souligne Stocker convaincu de la diversité et de l’intérêt de son métier. Mais être assidu, pointilleux et garder son calme en situation de stress, sont aussi de bonnes conditions. Beaucoup de nouveautés L’objectif d’une centrale reste aujourd’hui comme hier exactement le même : le turbinage de l’eau. La numérisation touche aussi l’hydroélectricité, comme le technicien s’en rendit compte. Les commandes de relais remplacent les blocs mémoire programmables, eux-mêmes remplacés par des systèmes complètement numériques et automatisés. La réalisation de schémas a elle aussi été très bouleversée. Les planches à dessin disparaissent, laissant place aux logiciels de simulation et de DAO. « Avant, nous réalisions les tâches de régulation complexes en soudant ensemble plusieurs blocs fonctionnels », raconte-t-il en riant. « Aujourd’hui on appellerait cela certainement pas de la programmation. Nous démarrions aussi les machines manuellement, tout comme nous les stoppions et les synchronisions ou les mettions en réseau. Nous nous en occupions jour et nuit. » Grâce à de nombreuses formations complémentaires, l’ingénieur en projets su conserver ses connaissances toujours à jour. « La plupart se sont déroulées sur place car nous disposons de spécialistes R&D chez nous, le tout bien sûr dans C’est parti ! Nous lui proposons de commencer à ses débuts. L’ingénieur en projets de soixante-deux ans s’étonne un peu de l’intérêt qu’on lui porte et croyait que nous parlerions plus de la technique. Il range alors sa feuille avec un schéma technique qu’il tenait. Changement de cap Quand nous demandons à Josef Stocker comment il arriva à ce métier, il nous parle de son apprentissage comme électricien chez l’ancienne régie d’électricité de Baar et de sa passion pour l’électronique. Après son apprentissage, il intégra Rittmeyer comme dessinateur technique de schémas électriques. « À l’époque, nous dessinions encore les schémas à l’encre sur d’immenses planches à dessin », se souvient-t-il en repensant à ses débuts. Quelques années plus tard, il changea de poste et intégra un nouveau groupe de projets. Il s’occupe désormais de la planification et la mise en service des technologies de conduites dans les centrales hydroélectriques. Une grosse frayeur Il nous raconte sa première mise en service se revoyant comme si c’était hier. « Cela se passait à Interlaken. J’ai mis une régulation de niveau en service qui devait entre autres, empêcher l’inondation de la salle des machines en cas de dysfonctionnement. » Conscient de ses responsabilités, le jeune technicien voulut vérifier encore une fois le bon fonctionnement du régulateur avant de se coucher. « Je me rendis à la centrale et là mon cœur s’arrêta presque de battre : je vis les gyrophares bleus, les pompiers et le barrage illuminé. De telles situations ne s’oublient pas de si vite », admet-il en riant. La raison de toute cette agitation n’était autre qu’un flexible hydraulique endommagé. Le régulateur fraîchement configuré, quant à lui, exécuta parfaitement son travail. Jeune ou âgé, la même passion Ses yeux brillent lorsqu’il raconte à quel point il était auparavant fasciné, et le reste encore au- « Chaque installation est différente, chaque client a d’autres exigences et idées. C’est vraiment passionnant. » 02 | 2019 14 | 15 transfer

une excellente ambiance. » C’est pour cela qu’il n’hésitait jamais à demander à un collège, se souvient-il. Toujours rester en mouvement en se formant : une même nécessité pour la nouvelle génération – il en est certain. Vraiment monotone ? Mettre en œuvre les attentes et les besoins des clients : voilà depuis toujours le moteur de Josef Stocker au cours de son travail. « La confiance que l’on place en toi », explique-t-il satisfait, « te pousse à relever tous les défis et te fais en plus très plaisir. » Une telle activité n’est jamais monotone, même au bout de quatre décennies : « chaque installation a toujours une particularité unique, chaque client a ses propres exigences et idées. C’est vraiment passionnant. En fait, en quarante ans, j’ai toujours fait la même chose tout en me renouvelant à chaque fois. » Nous demandons concrètement sur quoi il travaille actuellement. Il nous amène rapidement à son bureau : deux écrans devant lui destinés aux grands plans et la souris dans la main gauche, il nous l’explique. Aujourd’hui il laisse s’occuper les plus jeunes de la mise en service sur place qui est très éprouvante physiquement, comme il nous le raconte en nous montrant le projet actuel d’une centrale. Nous remarquons avec surprise l’arrière- plan de son PC : une abeille. Nous apprenons alors qu’il s’adonne à l’apiculture pendant son temps libre. Choisirait-il aujourd’hui le même métier ? « L’hydroélectricité fut sans aucun doute le bon choix », confirme-t-il sans hésitation. « Ce secteur est à la fois écologique et utile. C’est pourquoi même passés quarante ans, je me rends toujours aussi volontiers à mon travail. » Il ne peut s’empêcher de sourire, car il ne reste plus très longtemps avant la retraite. « Je suis cependant très heureux de pouvoir me consacrer pleinement à mon rôle de grand-père et d’apiculteur. » « La dimension des machines – il faut vraiment l’avoir ressenti. » Josef Stocker, Ingénieur en projets pour les centrales hydroélectriques, Rittmeyer

ENTRETIEN « Ce qui me plaît, c’est qu’on travaille aussi bien dedans que dehors : nous nous chargeons nous-même des travaux d’entretien sur l’installation. » Romano Baptista lors de la maintenance d’une turbine. 02| 2019 16 | 17

Démonter les turbines, lubrifier les pompes, entretenir le téléphérique, monter les rampes et bien plus encore. Johannes Tscharner et Romano Baptista nous font découvrir tout le travail des spécialistes de la centrale Hinterrhein pour amener l’électricité jusqu’aux prises domestiques. Complètement caché Autour du travail (quotidien) à la centrale Bärenburg ENTRETIEN 8H30 le matin, arrivée à la centrale Bärenburg. Nous découvrons avec surprise la présence d’une centrale ici. Nous avons parcouru cette route nombre de fois vers l’Italie sans le savoir. Lorsque nous descendons, la sirène de l’installation de commande retentit. Il fait encore un peu frais, 12 °C seulement ce matin à Bärenburg dans le canton des Grisons. Nous changeons de chaussures car nous avons besoin de chaussures de sécurité pour parcourir la centrale, puis nous nous annonçons par téléphone. Quelques minutes plus tard, Johannes Tscharner nous ouvre et nous accueille. Son collègue, Romano Baptista vient alors nous rejoindre. Nous parcourons le bâtiment et passons par la salle des machines : un lieu bruyant et chaud. La salle de repos est certes plus calme, mais nous entendons encore nettement le bruit des générateurs. Au commencement « Comment êtes-vous arrivés à vos postes dans les centrales d’Hinterrhein », nous leur demandons pour commencer. Johannes Tscharner rit. Bien qu’il soit originaire des environs, il ne savait quasiment rien de Bärenburg : « Et encore moins de l’exploitation d’une centrale hydroélectrique. » Après son apprentissage comme constructeur d’appareils industriels, il travailla longtemps dans le secteur textile chez un constructeur de teinturières. La mise en service de telles installations exigeait souvent de longs séjours à l’étranger, une chose qui devenait difficile à concilier avec une vie de famille. Il chercha alors un poste proche de chez lui. Cela fait déjà onze ans. Maintenant il se charge d’entretenir les machines et les installations surdimensionnées dans la centrale. Il est en outre responsable du barrage. « Les choses furent di�érentes pour moi », nous confie Baptista. Son père travaillait déjà dans la centrale de Bärenburg. Enfant, il lui rendait souvent visite pendant ses gardes le weekend pour qu’il ne se sente pas trop seul. Déjà à l’époque il se fascinait pour ces immenses machines, comme il nous l’explique. Il fit son apprentissage comme polymécanicien aux centrales d’Hinterrhein, puis acquit ses premières expériences professionnelles chez un constructeur de turbines à gaz. Il passa lui aussi de nombreuses années à l’étranger pour les entretenir et les monter. Comme son collège, il choisit de se stabiliser en Suisse pour sa famille – et aussi auprès des machines de la centrale. Désormais de retour dans son entreprise d’apprentissage, il y travaille depuis trois ans en tant que technicien de maintenance. « Le retour aux sources, pour ainsi dire », comme il plaisante. Une centrale fascinante Le travail dans la centrale est très diversifié et exige une grande responsabilité, comme tous deux le soulignent. Non seulement la centrale produit une large partie de l’électricité verte, mais elle sert aussi de protection active contre les inondations : « Si les systèmes prévus ne réagissent pas correctement →

ENTRETIEN à un évènement précis, toute notre centrale et l’autoroute à proximité seraient submergées », insiste Johannes Tscharner sur l’importance du bon fonctionnement. Priorité à la protection contre les inondations Nous découvrons vite ce qu’ils entendent par-là lorsqu’ils nous amènent 50m plus bas dans l’installation. Ici se trouve la chambre des registres avec les vidanges de fond. Elles déchargent jusqu’à 500 000 l d’eau par seconde en cas d’inondation. Le bon fonctionnement du robinet-vanne et des pompes hydrauliques est régulièrement contrôlé comme tous deux nous le confirme. Tout doit absolument parfaitement fonctionner en cas d’inondation. Johannes Tscharner soulève un grand couvercle sur le fond de la chambre. Une échelle descend tout droit à 9m de profondeur. Il fait nuit, froid et c’est humide. Il éclaire un peu cet abîme et nous distinguons un peu d’eau qui rigole dans les guides des robinets. « Nous devons toujours recolmater cet endroit », explique Tscharner. Il ne reste plus « qu’à descendre dans le puits et à tout vérifier. » Protégé par un casque et une corde d’escalade assurée par une deuxième personne en haut – ces mesures sont indispensables pour garantir la sécurité. Un entraînement en hauteur et les instructions de sécurité sont régulièrement répétés. À l’air frais Notre route se poursuit vers une installation d’aération gigantesque. Tous deux sont aussi chargés de son entretien. L’installation est essentielle pour aérer et humidifier le barrage. « Elle est vitale pour nous car elle nous garantit de l’air frais lorsque nous travaillons sur le barrage », nous explique Baptista. Nous apprenons dans le même temps que Bärenburg un des seuls ouvrages où la centrale est complètement construite dans le barrage. Le barrage-poids de 64m de haut supporte aussi l’installation d’air frais et ses 55 000m3 de béton. Sans aération, cet endroit serait vraiment froid et confiné. Parfaitement sûr au micromètre près Nous prenons des chemins et escaliers sinueux pour atteindre les galeries qui traversent tout le barrage. Nous laissons derrière nous des douzaines de points de mesure. En tant que responsable du barrage, Johannes Tscharner contrôle et documente à intervalles réguliers les différents paramètres comme la résurgence et la quantité de percolat, il mesure l’ouverture des joints ainsi que les mouvements éventuels du barrage. Ces derniers se mesurent en millimètres à Bärenburg. « Tout est parfaitement conforme », nous voilà rassurés, car là dehors, plus d’un million de mètres cubes d’eau s’abattent sur le mur : un sentiment quelque peu étrange. Des turbines puissantes Nous jetons ensuite un œil sur l’installation de dotation. Afin de maintenir les propriétés des cours d’eau pour la flore et la faune, on laisse seulement une petite quantité d’eau s’écouler des lacs de retenue – soit l’eau de dotation. Cette dernière est aussi turbinée à Bärenburg. Nous montons par un ascenseur, parcourons quelques couloirs et atteignons la salle des turbines. En chemin, nous nous demandons comment peut-on se retrouver dans tant d’étages, galeries, couloirs et escaliers. La salle de turbinage est assez bruyante avec ces quatre turbines Francis peintes en vert qui tournent. Elles entraînent les générateurs qui offrent une puissance totale de 220MW et se situent deux étages plus haut. De nombreux travaux de maintenance se déroulent dans ce bruit assourdissant à côté des machines en service. Comme la compréhension mutuelle est ici très difficile, l’équipe qui travaille doit parfaitement s’accorder et chaque membre faire attention à l’autre : une question de sécurité. La numérisation aussi présente Nous passons devant la salle des commandes qui n’est plus occupée depuis bien longtemps : la centrale de Bärenburg est désormais surveillée depuis la centrale à Sils. AXPO commande en outre à distance depuis Baden, l’installation des turbines en fonction des besoins en électricité du marché. Johannes Tscharner et Romano Baptista ont vu clairement évolué leur quotidien. Bärenburg n’est plus occupée 24/7. Les gardes classiques comme le père de Baptisa les faisait, n’existent plus. Ces dernières années ont vu arriver un grand nombre de changements. Les tablettes remplacent progressivement les blocs-notes classiques, la sauvegarde des ordres d’intervention et des intervalles de maintenance devient numérique afin de les transmettre ensuite directement aux employés. De même, la documentation des travaux exécutés se fait en ligne, puis est directement transférée dans le système. « Dans un premier temps, cela paraît long et fastidieux, mais ces mesures s’avèrent indispensables pour garantir un niveau maximum de sécurité », confirme Romano Baptista. Nous jetons ensemble un œil sur les listes de contrôle dans le système : leur étendue est vraiment impressionnante. Un travail idéal pour les multitalents « Nous avons de quoi faire », nous dit Johannes Tscharner à la fin de notre visite et rit. Nous sortons et profitons de la vue. Nous s « Allez, on descend dans le puits, pour voir si tout est en ordre. » 02| 2019 18 19 |

Au millième de millimètre près : Johannes Tscharner mesure l’espace des joints dans le mur de retenue. découvrons alors le téléphérique qui relie le château d’eau à 300m d’altitude. Il appartient aussi au site de la centrale de Bärenburg et sa responsabilité incombe aussi nos deux hôtes : « Ce qui me plaît, c’est qu’on travaille aussi bien dedans que dehors : nous nous chargeons nousmême des travaux d’entretien sur l’installation. » Abattre des arbres ou couper des arbustes, récupérer les débris de bois flottant dans le lac, tondre le gazon et déblayer la neige en hiver. À cela s’ajoute bien entendu tous les travaux à réaliser directement sur l’installation : un travail sur mesure pour tout multitalent. Chapeau Sur le retour, le soleil brille à Bärenburg. L’installation de commande bourdonne encore, mais différemment. Ou bien est-ce le bruit assourdissant des turbines qui nous reste encore dans l’oreille ? Difficile à dire, mais nous nous accordons sur une chose : une telle centrale est vraiment fascinante. Nous avons appris beaucoup aujourd’hui et tirons notre chapeau face à ce travail plein de responsabilités.

EXPERTISE Les métiers dans les entreprises d’approvisionnement en eau et en énergie ne comptent pas parmi les apprentissages rêvés. Expliquer ce phénomène semble complexe. Mais comment les jeunes choisissentils leur apprentissage ? Où trouventils les réponses à leurs questions ? Bruno Ruoss connaît bien la situation des jeunes. Il est conseiller d’orientation au Centre d’orientation professionnelle à Zoug où il accompagne les jeunes lors du choix d’un métier. SI JE NE CONNAIS PAS … Rallier les jeunes à des métiers méconnus EXPERTISE 02 | 2019 20 | 21 transfer

Lorsque les jeunes se rendent au centre OP, ils s’intéressent le plus que souvent aux métiers classiques du commerce et de l’informatique pour les garçons, ainsi qu’à ceux que du commerce et de la santé pour les filles. La question « Comment puis-je devenir un gamer pro ? », est rare mais s’est déjà posée. Comme le souligne Bruno Ruoss, les filles cherchent leurs métiers parmi le TOP 10, alors que la recherche des garçons est plus large. Découvrir l’inconnu Pour le conseiller, son défi quotidien est de faire découvrir les plus de 250 apprentissages à des élèves qui n’en connaissent qu’une infime partie. Certes ils ont peut-être déjà rencontré l’installateur de sanitaire chez eux, mais sûrement moins le domoticien ou les technologues de drainage. « Divers métiers sont condamnés à une existence pitoyable, juste car ils sont méconnus », regrette Bruno Ruoss. Les jeunes ne connaissent parfois qu’une infime partie d’un métier et projettent toute leur vision de ce dernier. Il devient alors di�cile de les rallier à d’autres alternatives lorsqu’ils ont de telles images en tête ; sans parler de les amener à faire un stage de découverte ailleurs. « Mais en devenant actifs, ils voient s’ouvrir de toutes nouvelles opportunités », souligne Ruoss. « Dès qu’un jeune a vu quelque chose, l’a découvert et essayé, les choses changent. Tout d’un coup son idée sur un métier évolue et il ne se contente plus du TOP 10. » Facteur humain décisif Parfois les stages ne fonctionnent pas. Certains jeunes reviennent le consulter après être complètement épuisé suite à trois jours passés sur un chantier. Il s’agit d’un travail physique. Monter et descendre les escaliers. « Rien d’étonnant que l’on soit fatigué », apaise Ruoss. « Mais pour eux, c’est le métier. » Bruno Ruoss a conscience de la di�culté d’organiser de tels stages d’orientation pour découvrir un métier. C’est pourquoi, il leur recommande de se rendre aux journées d’information que les entreprises organisent, afin de présenter leur entreprise et leurs métiers. Un stage d’orientation est à ses yeux, quelque chose de plus concret. Ruoss reconnaît que ces premières rencontres avec les futurs apprentis pourraient être améliorées : « Les entreprises essaient souvent de tout montrer, mais cela noie les jeunes et les découragent. Elles ne doivent pas présenter l’apprentissage en un temps record. » Le point décisif reste les personnes sur place : sont-elles sympathiques ? Ai-je travaillé décontracté ? Voilà ce qui perdure à la fin. Une influence parentale importante Le facteur décisif lors du choix d’un métier a toujours été et reste les parents. Les camarades jouent certes un rôle important, mais ce que disent les parents l’est bien plus encore. Le seul problème : ils « conseillent » plutôt avec leurs connaissances vielles de 20 ans. Mais des métiers disparaissent, les contenus fusionnent entre les disciplines et de nouveaux métiers apparaissent. Ne faudrait-il pas plutôt former les parents ? Ruoss rit : « Quand on sait que le facteur clé reste les parents, c’est sûr qu’il serait bon de parfaitement les informer pour o�rir un conseil avisé. » Approvisionnement et assainissement : L’absence de modèles Les technologies environnementales et énergétiques, soit les thèmes centraux des secteurs de l’approvisionnement, n’intéressent les jeunes que de loin, comme le montre les demandes sur ces secteurs dans le centre OP. Pour Bruno Ruoss, peut-être manque-t-on de modèles concrets à suivre. Les points communs entre les spécialistes de ce secteur et les jeunes sont quasiment inexistants, empêchant leur rencontre. Bruno Ruoss recommande à ces entreprises de présenter leurs métiers dans un cadre global afin de souligner leur importance. « Par exemple une station d’épuration, c’est du pur hightech. Elle exige beaucoup d’expériences, accueille un laboratoire et les gens y travaillant assument de larges responsabilités. Je crois que cela attirerait plus les jeunes. C’est ici qu’il faut agir. » Travailler avec des gens Et quel est son moteur en tant que conseiller d’orientation ? Son travail consiste surtout à s’occuper des gens – chose qu’il affectionne tout particulièrement. Accompagner les gens lors de leur évolution et les informer, les encourager et leur donner confiance, voilà son vrai privilège. C’est pourquoi il voit en chaque entretien de conseil, le début d’une aventure : « Je vois le conseil d’orientation comme une danse – seulement lorsque les deux participants s’acceptent et se déplacent, cela se transforme en une belle danse qui continue ensuite », nous dit Bruno Ruoss. Voilà une belle conclusion. « Divers métiers sont condamnés à une existence pitoyable, juste car ils sont méconnus. » Bruno Ruoss, Conseiller d’orientation au Centre d’orientation professionnelle à Zoug

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