transfer édition 01 | 2020

De l’hydrogène vert pour les poids lourds

Un couplage réussi des secteurs énergie et mobilité

Associés aux exploitants des stations service ainsi qu’à divers partenaires logistiques et commerciaux, Hyundai Hydrogen Mobility et Hydrospider mettent en place un système écologique d’hydrogène unique en Europe. La plus grande installation d’électrolyse de Suisse qui produit de « l’hydrogène vert » est en service à la centrale hydroélectrique d’Alpiq à Gösgen.

Depuis quelques semaines, on produit de l’hydrogène « vert » à Gösgen, et ce, suffisamment pour que 40 à 50 poids lourds transportent chaque jour leurs marchandises de A à B. L’installation d’électrolyse transforme 2 MW par heure à partir de 400 mètres cubes de gaz en une forme purifiée, soit 300 tonnes par an. L’énergie électrique nécessaire à cette fin provient exclusivement de l’électricité issue de l’Aar : « Toute la chaîne est ainsi complètement exempte de CO2, car lors de la transformation de l’hydrogène vers les piles à combustibles, on récupère de nouveau l’eau », se réjouit Thomas Fürst, Directeur de la société Hydrospider AG.

« Toute la chaîne de production jusqu’à la consommation est complètement exempte de CO2. »

Thomas Fürst, Directeur de la société Hydrospider AG

Directement depuis le générateur électrique

L’idéal c’est lorsque l’installation Power-to-Gas (P2G) se situe directement sur le site de production de l’électricité. À Gösgen, cette installation utilise la sortie d’une des cinq machines de 10 MW de la centrale au fil de l’eau. Les 10'000 V sont alors transformés en 400 V, puis redressés. Huit piles d’électrolyse où chacune absorbe près de 600 A, séparent l’eau en ses deux composants de base, soit l’hydrogène et l’oxygène. On s’appuie à Gösgen, sur la membrane à électrolyse polymère (PEM). Certes complexe, ce procédé garantit une pureté de l’hydrogène de 99,9998% avec une pression de sortie de 30 bars.

Stockage intermédiaire dans des containers

Le gaz est alors compressé à une pression de 350 bars dans un compresseur en aval, puis stocké temporairement dans des containers : « Le gaz est ensuite livré au stations services depuis ces containers », explique Thomas Fürst. Ces derniers contiennent environ 350 kg d’hydrogène, qui suffisent pour dix pleins de camions. À plein rendement, l’installation sépare près de 370 l d’eau déionisée par heure en hydrogène et oxygène. Pour remplir un container, il faut environ 3'500 l d’eau, car le procédé dure entre 8 à 10 heures jusqu’à ce que l’installation de 2 mégawatts remplisse le container.

Une énergie volumique exceptionnelle

L’hydrogène est un support énergétique disposant de la plus forte énergie volumique par rapport au poids. Il accumule 120 MJ/kg, soit trois fois plus que l’essence et 150 fois plus qu’une batterie Lithium. Le réservoir d’un camion contient près de 1'200 kWh, ce qui suffit à couvrir une distance de 300 à 400 km.

L’installation laisse une impression massive : toute sa puissance passe au travers des conduites en inox de 12 mm de diamètre sous forme d’hydrogène pour ensuite rejoindre le stockage. La puissance électrique absorbée par l’installation doit quant à elle, circulée au travers des câbles en cuivre d’une section de 1'600 mm2.

Une mélodie sortant tout droit du futur

L’objectif est de produire l’hydrogène dans la mesure du possible directement près de la station service. On évite ainsi son transport qui s’effectue encore par voie routière. Les autres projets devront en tenir compte.

Toute l’installation à Gösgen est adaptable car tout la technologie se module grâce aux containers compacts : « Nous avions pris en compte ces aspects comme si à Gösgen nous ne disposions pas de l’espace suffisant pour l’extension », souligne Thomas Fürst. La construction d’une station service à Gösgen n’a jamais été prévue.

La production d’hydrogène est aussi synonyme de flexibilité dans le réseau de transmission : on réduit la puissance électrique en quelques secondes à moins de 10 kilowatts. Ainsi les installations pourront servir à l’avenir de puissance secondaire de régulation.

Une technologie au fort potentiel

L’hydrogène permettrait en outre de stocker temporairement les surplus d’électricité. Cependant la ‹ Roundtrip Efficiency ›, soit le rendement lors de la transformation de l’électricité en hydrogène puis de nouveau en électricité, reste encore trop faible. On atteint actuellement 40%, et selon les experts, on peut en espérer 50%. « Mais même avec un faible rendement, cette solution vaut bien mieux que de couper des installations photovoltaïques et éoliennes, car il existe temporairement une sur-offre en courant », souligne Thomas Fürst. Car une fois le courant perdu, le rendement s’élève tout bonnement à zéro.

« L’hydrogène vert nous aide dans le couplage intelligent et efficace des secteurs. »

Hyundai souhaite d’ici 2025, introduire 1'600 poids lourds électriques à piles de combustibles à transmission par hydrogène sur le marché suisse. Cela demanderait 40 à 50 installations de la taille de celle de Gösgen. Une perspective qui suscite déjà un grand intérêt : notamment pour les livraisons régionales, où la distance et la charge utile sont importantes, la pile à combustible déploie ici tous ses atouts.

Couplage des secteurs

« L’hydrogène vert est la clé vers une transformation complète et efficace des combustibles fossiles en piles à combustibles sans émission, dédiées à l’électromobilité. » Thomas Fürst en est pleinement convaincu. La communauté scientifique s’accorde depuis longtemps sur la nécessité de réduire les émissions en CO2. Seulement les politiques continuent de croire que la transition énergétique n’est qu’une question de conviction.

Crédit photo: iStock/VectorPocket (photo de couverture)

Power-to-Gas (P2G)

Afin de stocker l’électricité à long terme, la technologie Power-to-Gas offre des perspectives très prometteuses. Elle utilise les surplus photovoltaïques et éoliens afin de récupérer de l’hydrogène à partir de l’eau grâce à l’électrolyse. L’hydrogène peut ensuite être stocké puis retransformé en courant au travers d’une pile à combustible. Il permet alors d’entraîner le moteur d’un véhicule ou encore de générer de la chaleur. L’hydrogène peut aussi être injecté dans le réseau du gaz naturel qui dispose déjà d’une vaste infrastructure de distribution et de stockage. Lorsque le courant nécessaire à l’électrolyse est récupéré depuis des énergies renouvelables, comme c’est le cas à Gösgen, toute la chaîne est alors exempte de CO2. De plus le « carburant » est parfaitement écologique car le produit initial comme celui final, n’est autre que de l’eau.

Une coopération vers une mobilité sans émission

Hyundai Hydrogen Mobility est un joint de venture entre la société coréenne Hyundai Motor Company et la société suisse H2 Energy. Hydrospider est un joint de venture entre les deux sociétés suisses Alpiq et H2 Energy ainsi que la société allemande Linde. Associés à l’organisme H2 Mobilität Suisse, les partenaires développent un modèle commercial pour une mobilité sans émission des véhicules utilitaires. Ce dernier couvre toute la chaîne d’approvisionnement : les poids lourds à piles à combustibles d’Hyundai, la production d’hydrogène vert par Hydrospider, la planification et l’organisation de l’infrastructure de remplissage par les membres de l’organisme H2 Mobilität Suisse, ainsi que les entreprises de transport et de logistique qui utiliseront à l’avenir les camions à piles à combustibles.