transfer édition 01 | 2022

Jeune et numérique

Repenser la filière hydraulique de demain

La numérisation peut offrir une vraie chance pour les secteurs de l’approvisionnement et de l’élimination, notamment lorsque la jeune génération plus à l’aise avec le numérique va accéder à la vie professionnelle. Une chose dont André Hildebrand, Directeur général, et Boris Diehm, Directeur de l’Association fédérale de Bade-Wurtemberg de la ‹ Deutsche Vereinigung für Wasserwirtschaft, Abwasser und Abfall DWA › (Association allemande pour la filière hydraulique, les eaux usées et les déchets) sont convaincus. Les entreprises doivent cependant se préoccuper encore d’avantage de la numérisation et se montrer prêtes à partager leurs connaissances. Pour cela, il sera nécessaire de faire appel à un personnel qualifié sachant profiter des avantages technologiques offerts, et possédant les connaissances pour répondre aux activités de demain. Plusieurs possibilités sont actuellement éprouvées en Bade-Wurtemberg.

La DWA regroupe le personnel qualifié et d’encadrement dans le secteur de l’eau et des déchets en Allemagne. Le regroupement indépendant compte près de 14'000 membres et se positionne pour une filière hydraulique durable. Il encourage aussi la recherche et de développement. La numérisation et les progrès rapides en matière de logiciels, matériels, réseaux et intelligence artificielle ouvrent d’énormes possibilités d’optimisation au niveau des installations notamment en matière de solutions globales, explique André Hildebrand. Aussi bien l’environnement que les hommes en profitent et il devient possible d’économiser des ressources et du temps.

Afin de profiter pleinement de ce potentiel, d’une part des conditions techniques s’imposent – élargissement du réseau haut débit et portable – et d’autre part, la sécurité des systèmes d’information et des infrastructures critiques exige une attention renforcée. Les professionnels qualifiés devront rapidement augmenter dans le secteur. « En Bade-Wurtemberg, un manque important s’annonce. De nombreux professionnels qualifiés vont partir à la retraite dans les années à venir et nous ne serons pas en mesure de compenser des départs, ni par la formation ni par l’emploi », assure Boris Diehm. Les prestations de services offertes par les exploitants ne cessent de gagner en complexité en raison des restrictions écologiques plus strictes. C’est pourquoi la formation, les entreprises, les administrations mais aussi les employés doivent eux-mêmes réagir afin de relever ces défis.

Ajuster la formation

Apprendre tout au long de sa vie, un point que la DWA plébiscite depuis longtemps en Bade-Wurtemberg. Les deux collègues DWA s’accordent cependant à dire que la formation gagnera nettement en importance : « La numérisation exige d’ajuster les standards de formation. Le personnel doit être formé à de nouveaux concepts de formation et à penser en réseaux. Nous devons donc concevoir des contenus de formation encourageant la réflexion systématique », clarifie Boris Diehm. Kienbaum et Stepstone publièrent récemment une étude portant sur l’apprentissage de demain. Selon cette dernière, encourager la ‹ compétence numérique › des professionnels qualifiés et d’encadrement de demain gagne nettement en importance dans toutes les institutions et les disciplines, complète André Hildebrand. Le plan cadre des formations aux métiers technico-écologiques est de ce fait actuellement complètement revu en Allemagne. Outre les contenus de formation, les deux experts soulignent que le manque émane avant tout du désintéressement envers le secteur.

Développer les intérêts

Au cours de ces dernières années, on constate que de moins en moins de professionnels qualifiés entrent en formation. « Nous n’avons donc plus suffisamment de personnel à disposition pour la formation de maître », s’inquiète Boris Diehm. Le directeur de l’Association fédérale rebondit sur ce point : « Nous devons mieux présenter toutes nos activités à l’extérieur. Les jeunes gens souhaitent aujourd’hui donner du sens à leurs activités. Nous disposons donc d’une situation idéale : quoi de mieux que de dire ‹ Je suis responsable d’une eau propre dans un environnement technologique de pointe › ? »

« D’un côté nous disposons d’un bien durable comme l’eau, et de l’autre de jeunes gens issus de la génération numérique, qui sont en quête d’une activité remplie de sens. Voilà une vraie chance ! »

 

Boris Diehm, Directeur de l’Association nationale DWA Bade-Wurtemberg

Montrer clairement les possibilités offertes par la filière hydraulique grâce à toutes ses méthodes de travail innovantes, aiderait sans doute à dépoussiérer l’image du secteur. Cela engendrerait une meilleure prise de conscience de la nécessité de changer le secteur et une fierté accrue envers ses propres activités.

Grâce à son initiative dédiée aux jeunes professionnels ‹ De l’eau, bien sûr ›, le Bade-Wurtemberg souhaite rendre l’image du métier plus attractive. La participation est impressionnante : plus de 400 des 600 stations d’épuration en Bade-Wurtemberg y participent et s’appliquent à rendre la filière hydraulique plus visible. « Notre objectif est de créer nous-même notre image et celle perçue à l’extérieur dans sa globalité, et non pas que sur certains points. Le nombre d’exploitants génère une attention que presque aucun autre secteur ne peut atteindre. Grâce à nos grandes idées et sujets autour de l’eau et de la durabilité, nous avons vraiment les moyens d’agir », explique André Hildebrand convaincu.

Développement du progrès

Les exploitations doivent cependant elles-mêmes investir dans leurs employés afin de faire avancer la numérisation. Notamment pour les petites exploitations, il est important d’encourager la formation continue active de leurs employés afin d’améliorer leurs capacités à utiliser les outils numériques, confirme le directeur : « Les experts informatiques arrivent rarement jusqu’au secteur de l’élimination et si cela est le cas, plus chez les grandes entreprises que chez les petites. »

Identifier clairement les compétences nécessaires par le personnel de demain est indispensable afin de maîtriser la transformation numérique. Une stratégie individuelle numérique spécifique à son entreprise facilite nettement cette tâche. André Hildebrand : « Les compétences nécessaires pour l’exploitation doivent toujours rester à l’esprit avant tout investissement important dans les utilitaires numériques. Ces derniers ne représentent au final qu’une infime partie de ces compétences. »

« Simplement installer un utilitaire numérique ne suffit pas pour réaliser une optimisation. Nous ne devons pas oublier les gens et les processus. »

 

André Hildebrand, Directeur de l’Association fédérale DWA du Bade-Wurtemberg et membre de la direction de l’institut Digital Water

Pour ce faire, les employés doivent être prêts à s’investir dans une formation continue, à développer leur personnalité et à faire progresser leurs capacités. Les entreprises doivent donc accompagner activement leur personnel et le motiver à entrer dans de tels processus d’apprentissage. « D’autre part, les entreprises doivent être prêtes elles-mêmes à se soumettre à une gestion externe et ciblée du changement afin de prendre en compte tout le processus, et ce au niveau individuel et organisationnel », clarifie André Hildebrand. Les chances de réussite du projet augmenteraient en même temps que la satisfaction à long terme de tous les employés avec leurs activités.

Vivre ensemble

Selon Boris Diehm, un défi particulier réside dans le grand nombre d’exploitants de stations d’épuration en Bade-Wurtemberg. Notamment les petites exploitations sont complètement surchargées par leurs tâches quotidiennes. Il devient alors encore plus difficile d’identifier les idées porteuses de numérisation et dans quelle technologie il faut investir à l’avenir. L’échange entre les différents exploitants devient essentiel afin de mieux répondre aux activités de demain. « Pour transmettre la connaissance, je crois en un mixte comme solution optimale : d’un côté nous avons des jeunes et des professionnels expérimentés qui travaillent en parallèle sur certaines tâches pendant un certain temps, et de l’autre, nous devons encourager l’échange de connaissances avec d’autres exploitations », explique Boris Diehm.

En Allemagne et notamment en Bade-Wurtemberg, on s’applique depuis plus de 50 ans à développer le model de ‹ Voisinage › pour transmettre le savoir-faire. 60 initiatives dans ce sens existent déjà en Bade-Wurtemberg. Près de 4'000 professionnels qualifiés et dirigeants échangent leurs expériences, les données d’exploitation ainsi que leurs états obtenus sur des situations similaires. Près de 15 à 20 personnes des stations d’épuration proches participent à ces évènements centrés autour d’ateliers. Les conférences apportent en outre des connaissances sur les sujets actuels. « Il s’agit d’un instrument important pour transmettre la connaissance sur plusieurs générations et deviendra dans les prochaines décennies crucial », explique André Hildebrand convaincu.

La coopération entre les exploitations peut aussi ouvrir de toutes nouvelles chances : « Les regroupements de ces dernières années ont souvent été un sujet délicat. La jeune génération politique permettra sans doute de changer les options à ce sujet », dit le directeur. Ils visent une responsabilité écologique et juridique plus forte et deviennent donc plus ouverts en matière de regroupement.

Se montrer volontaire

Boris Diehm reste cependant optimiste face aux défis de demain : « La numérisation et une filière hydraulique durable sont des sujets passionnants qui attisent l’intérêt des jeunes gens comme le confirme les évènements ‹ Fridays for Future ›. Je suis donc confiant que nous trouverons de nouveaux jeunes talents demain. »

La volonté de travailler avec des utilitaires numériques et de mettre en œuvre un processus de changement existe bien. Le logiciel cloud ‹ DWA BETRIEB › qui regroupe toutes les données d’exploitation de toutes les stations d’épuration en Bade-Wurtemberg le prouve, comme le souligne fièrement André Hildebrand : « Toutes les installations mirent en œuvre leurs interfaces et transmettent leurs données. Les exploitations se sont montrées très intéressées par un travail plus optimal, la valorisation des résultats d’exploitation grâce à la documentation et à la visualisation, la localisation des écarts et la création directe d’un rapport énergétique et écologique destiné aux administrations concernées. La phase de mise en place demande certes certains efforts mais au fil du temps, les systèmes numériques prennent en charge une bonne partie du travail. »

Des solutions qui fonctionnent comme celles-ci sont une clé importante pour l’acception de la numérisation, poursuit Boris Diehm : « Si nous parvenons à réaliser une architecture commune à tout le secteur, nous ferons nettement progresser le sujet. Ce point est difficile et demandera un certain nombre d’efforts. Nous devons aussi avoir conscience que cette architecture spécifique à notre secteur ne sera jamais terminée, mais est vouée à une évolution permanente. Cependant nous devons commencer à la mettre en place, et cela pourra fonctionner. »

Crédit photo : DWA Landesverband BW