Course d’obstacles
Construire un réseau de chaleur à distance
La société Energie Ausserschwyz AG (EASZ) construit actuellement le plus grand projet énergétique de la région : à compter de 2022, une centrale thermique à bois vient compléter la centrale de biogaz et alimenter en chaleur à distance les régions Höfe et March du canton de Schwyz. La planification ambitieuse se trouve en bonne voie, une chose qui est loin d’être une évidence comme nous confie le Directeur du secteur Dr Urs Rhyner.
Depuis près de 20 ans, la famille Züger exploite une centrale de biogaz et produit de l’électricité à partir de biomasse issue de son exploitation agricole à Galgenen. La chaleur résiduelle sert à alimenter les bâtiments voisins en chaleur. L’idée de développer une centrale thermique pour un regroupement de chaleur à distance régional prit naissance dès 2008. Onze ans plus tard, la construction de la centrale thermique à bois fut autorisée pour brûler des bois usagés, résiduels et forestiers régionaux. « Afin de réaliser un tel projet en Suisse, cela demande beaucoup de temps, en fait trop de temps », résume Urs Rhyner qui dirige la société depuis un an. Nous avons besoin de zones constructibles, d’autorisations et d’un financement, le tout prenant très vite des proportions considérables.
« Seule une chose compte : construire, construire, construire. Lorsque l’on attend l’arrivée sure des raccordements, alors on ne construit jamais. »
Dr Urs Rhyner, Directeur de la société Energie Ausserschwyz AG
Le plus grand défi : obtenir les autorisations
Les plus grands obstacles pour la construction se concentrent autour des autorisations nécessaires selon le directeur. Il faut notamment investir des sommes à sept chiffres dans des projets préalables pour arriver à passer toutes les instances décisionnelles. Les oppositions au projet de construction doivent être traitées, ce qui coûte du temps et des frais d’avocats. Les surfaces doivent être délimitées et les rapports concernant l’incidence sur l’environnement rédigés. « On y passe vraiment beaucoup de temps », souligne Rhyner. Cela exige de la persévérance et surtout la capacité à investir de grosses sommes sans connaître l’issue du processus. L’éternel problème « de l’œuf et de la poule », comme il le nomme. Les ressources financières ne sont en effet accordées que lorsque l’issue est celée dans un contrat. « Voilà pour ce qui est de la théorie, mais cela n’a rien de praticable », explique Rhyner. Ce point empêche à ses yeux, le développement des regroupements thermiques en Suisse. « Des réglementations coupe-gorge. »
Les réseaux de chaleur à distance comme technologie clés
Quand il est question de convergence des réseaux, la chaleur à distance fait clairement partie des technologies clés pour les énergies de demain. Afin de profiter au mieux du biogaz ou de l’eau, il est nécessaire de se servir des grandes quantités de chaleur résiduelle, souligne Rhyner. « La condition de base est l’existence de réseaux de chaleur à distance. » De ce point de vue, il voit le rôle de la confédération essentiel afin de réaliser plus de projets dans ce sens. Pour Rhyner, c’est une chance de pouvoir partager les risques. Le modèle d’un partenariat public-privé serait à ses yeux une solution possible (angl. Public-Private-Partnership). Par exemple, la confédération prendrait en charge un tiers du montant sous forme d’une garantie simple ou tout risque, un autre tiers serait pris en charge par une banque ou des investisseurs, et le tiers restant par l’exploitant grâce à des actions.
Des partenaires stratégiques
L’EASZ a trouvé en la société EW Höfe AG un partenaire important pour l’accompagner. Ce dernier vit ici une chance pour accéder au marché thermique régional à base d’énergies neutres en CO2 et proposer ainsi une alternative aux énergies fossiles. Dans le même temps, le groupe BRUGG Group AG rejoignit le projet comme partenaire industriel stratégique, et Rhyner trouva en outre une grande banque suisse comme partenaire financier. « Cela met nos clients encore plus en confiance », dit Rhyner. Grâce au financement, il peut alors faire progresser le projet ambitieux à vive allure. Pendant ce temps, la centrale thermique gagne rapidement en hauteur. « Une chose qui aide aussi », plaisante Rhyner. « La population prend conscience que quelque chose de grand et de sérieux voit le jour. L’approvisionnement de la région en chaleur à distance se concrétise. »
Des clients enthousiastes
Le projet connaît un grand soutien au sein de la population et le nombre de branchements en chaleur à distance renouvelable gagne en importance. La chaleur à distance se révèle un système thermique confortable pour les propriétaires fonciers. Elle ne demande ni achat de combustibles ni espace de stockage ni entretien. Elle est en outre très peu encombrante : seul un boîter avec l’échangeur thermique est nécessaire. « Il n’y a rien de plus simple, et qui plus est, de renouvelable », argumente Rhyner.
‹ Booster › la chaleur à distance
Lorsque les propriétaires passent du chauffage au fioul ou au gaz à la chaleur à distance, ils perçoivent des subventions du canton Schwyz grâce auxquelles ils réduisent les coûts initiaux, comme le souligne Rhyner. Les communes sont aussi mises à contribution afin de lancer et de soutenir de tels projets. Ses expériences restent cependant quelque peu ambivalentes : « Croire en la reconnaissance des communes face à l’apport par un investisseur privé de nouvelles infrastructures dont elles-mêmes et les citoyens profiteraient, revient à se bercer de douces illusions. » Il considère que la mise en application de la loi sur le CO2 fera sauter les MoPec cantonales ( Modèles de prescriptions énergétiques des cantons ). Le canton de Schwyz ne s’est contenté que de mettre en œuvre l’absolu minimum. Pour lui, tout cela prend beaucoup trop de temps : « Le potentiel est immense et la technologie existe déjà. Elle est simple, éprouvée et économique. Il suffit juste de la mettre en œuvre », rappelle Rhyner.
EASZ est spécial
Nombreux regroupements de chaleur à distance commencent petit en démarrant par l’école ou la salle communale, puis raccordent successivement les quartiers, les uns après les autres. Ils grandissent ainsi très progressivement et de manière organisée. Il en est tout autre chez EASZ : on définit ici dès le départ une grande zone pour raccorder toute sa superficie. La société Agro Energie Schwyz AG servit ici de modèle. Cette dernière construisit aussi en premier, et la construction entraîna les raccordements. « Seule une chose compte : construire, construire, construire. Lorsque l’on attend l’arrivée des raccordements, alors on ne construit jamais », pointe Urs Rhyner. Pour cela, il est essentiel de communiquer les objectifs très en amont. Les propriétaires se projettent alors, notamment lorsqu’ils prévoient de remplacer le chauffage.
L’EASZ budgéta 300 millions de francs suisses et le réseau est prévu sur 24 ans. Ce budget regroupe le raccordement des quartiers, la centrale électrique ainsi qu’une deuxième centrale afin de faire face à une croissance rapide des raccordements. Le réseau à lui seul couvre la moitié des coûts. 3'000 consommateurs ont été prévus lors de la première étape, ce qui correspond à une densité de raccordement d’environ soixante pourcent. « Cela est convenable, nous en sommes convaincus », affirme Rhyner en se souvenant de la société Agro Energie Schwyz. Celle-ci raccorda en l’espace de 10 ans, plus de 50 pourcent des bâtiments à la chaleur à distance.
Une vision palpable
Lorsque l’on demande à Urs Rhyner quels sont ses prochains projets, il nous parle de la vision de l’EASZ et des étapes deux et trois concernant l’élargissement. Ces dernières prévoient l’approvisionnement thermique de 14 villages de la région du canton de Schwitz et autour du centre énergétique de Galgenien, soit une superficie de près de 100 kilomètres carrés. « Dès que les émissions en CO2 par mètre carré de surface énergétique seront limitées dans le cadre de la protection climatique, on ne pourra réaliser cette réduction qu’à l’aide d’énergies renouvelables », souligne Rhyner convaincu. Le raccordement à la chaleur à distance d’un secteur encore plus grand se profile rapidement chez EASZ.