transfer édition 01 | 2020

Une efficacité globale

Production de courant électrique depuis l’eau potable à Sarnen

L’approvisionnement en eau du regroupement énergétique à Sarnen utilise l’eau potable à une altitude de 1'000 m afin de produire de l’électricité. Associée aux installations photovoltaïques sur les toits des réservoirs, le regroupement produira à compter de 2023, près de 3 MWh/an d’électricité issus d’énergies renouvelables, soit un cinquième des besoins de la population de Sarnen. Cet approvisionnement en eau reçut le prix d’innovation InfraWatt pour une utilisation des ressources énergétiques particulièrement efficace.

Très complexe

L’approvisionnement en eau potable de Sarnen est très particulier. Près de 9'300 habitants du secteur reçoivent leur eau issue de 17 captages de sources, 15 réservoirs et une station de pompage. Ces derniers couvrent une différence d’altitude de 1'000 m. Les habitations éparpillées le long du versant rendent la distribution complexe : l’ensemble du réseau réparti sur 50 zones s’étend sur 200 km.

Nombreuses petites régies d’eau du secteur ont rejoint au fur et à mesure les centrales de Sarnen. La complexité en résultant donna lieu en 2018 à une large modernisation. « Du point de vue hydraulique et technologique, la situation était loin d’être optimale », explique Leo Zberg, fontainier à la régie de l’eau à Sarnen, en décrivant la motivation à l’origine du projet. Certes l’eau provenant des sources les plus hautes suffisait, mais n’arrivait pas intégralement aux sections du réseau qui en avaient besoin. La pompe de la nappe phréatique se déclenchait fréquemment.

Conditions idéales pour une centrale d’eau potable

Grâce au projet, Zberg souhaite optimiser tout le réseau du point de vue énergétique, car Sarnen est en outre une commune verte certifiée. « En optimisant, nous sommes parvenus par exemple, à réduire l’utilisation de notre pompe phréatique à un usage occasionnel, notamment lorsque l’arrivée de l’eau se trouble suite au mauvais temps », se réjouit Zberg.

La topographie associée à une forte quantité d’eau issue des sources offre d’excellentes conditions pour turbiner l’eau potable. « Face à l’important écart d’altitude nous devions dans tous les cas réduire plusieurs fois la pression de l’eau. Sur les ouvrages où nous intervenions, nous avons systématiquement vérifié si nous pouvions installer des turbines pour réduire la pression », explique Zberg à propos des réflexions en amont du projet. L’avantage décisif des turbines : elles n’exigent pas de puits de réduction.

« Nous devions réduire dans tous les cas la pression de l’eau. Il était donc judicieux de produire de l’électricité en même temps. »

Au fil du projet, on décida de profiter aussi du toit des nouveaux réservoirs construits. L’installation photovoltaïque sur le toit des quatre réservoirs produit 25'000 kWh d’électricité par an. « Grâce aux panneaux solaires, les réservoirs se fondent encore mieux dans le paysage que de simples blocs de béton », s’en réjouit Leo Zberg.

Le tout sans aucun obstacle ?

Le projet est en cours depuis 2010 et près des deux tiers ont déjà été réalisés. Le fontainier prévoit l’achèvement d’ici 2023. Les dix turbines et les quatre installations photovoltaïques couvriront alors la consommation électrique de 600 habitations de Sarnen.

Un projet de cette envergure pose quelques difficultés lors de la construction des conduites. « Nous avons posé 3 km de conduites pour une seule turbine avec un écart d’altitude de 450 mètres. Seul un travail avec un hélicoptère était ici possible », se souvient Zberg.

Les nombreux secteurs naturels protégés et les biotopes, sans oublier la protection des marrais au niveau national, exigèrent de nombreux accords avec les administrations et organismes responsables. « Travailler en étroite collaboration avec ces derniers dès le début est crucial pour la réussite du projet », souligne Zberg en s’appuyant sur son expérience. En outre, savoir prendre son temps pour une planification soignée et un concept clair s’avère essentiel au succès du projet.

« Il est important de prendre suffisamment de temps au début pour tout clarifier. »

Les propriétaires fonciers ne comprennent souvent pas la nécessité de construire de nouvelles conduites et réservoirs. « Dans de nombreux cas, nous avons su trouver ensemble des solutions simples et satisfaisantes pour tous », se souvient Leo Zberg.

Cartes sur table

20,75 millions de francs suisses coûta le projet. Les citoyens n’acceptent certainement pas un tel crédit à la légère. En 2010, la population de Sarnen vota cependant à la majorité en faveur du nouveau regroupement pour l’approvisionnement en eau.

Au yeux de Zberg, la vision globale du projet garantit sa réussite : « Nous avons informé les électeurs dès le début des coûts totaux et de l’étendue du projet. » Une assemblée municipale pour chaque sous-projet n’aurait rien apporté, car le concept d’alimentation ne peut fonctionner que dans sa globalité.

Une question d’entretien

On sut aussi argumenter clairement en faveur des centrales d’eau potable souhaitées : pris sur toute leur durée de vie, le coût des turbines se neutralisait. Cependant en raison des composants supplémentaires nécessaires comme le transformateur, la commande et les câbles électriques, cette solution n’est pas comparable avec des réducteurs de pression. En raison de l’importante dénivellation de l’eau, les turbines se rentabilisent tout de même à long terme.

« Les turbines n’exigent quasiment aucune maintenance et leur exploitation s’avère très simple. En tant que fournisseur, nous n’avons rien à craindre. »

La régie de Sarnen n’a cependant pas choisi le turbinage pour des raisons financières. « Nous devions couper la pression. Il était donc judicieux de produire en même temps de l’électricité », Zberg en est convaincu. D’après lui, les fontainiers sont amenés de plus en plus à réaliser de tels projets orientés sur l’usage des énergies renouvelables et non sur la rentabilité.

« À long terme, nous devons nous concentrer sur des mesures prometteuses et non sur les francs suisses. »

« La modernisation s’avéra complexe, c’est pourquoi nous avons été obligé d’augmenter le tarif de l’eau. Mais nous avions largement expliqué ce point dès le début. » Malgré cette augmentation, le tarif se situe encore dans la moyenne suisse. Et Zberg est convaincu qu’à long terme, il sera possible de rebaisser ce dernier grâce aux recettes générées par la production d’électricité.

Optimiser l’optimal

« Avec ce projet, nous avons atteint les objectifs que nous nous étions fixés. Et les solutions trouvées sont de vraies bonnes solutions », raconte fièrement Leo Zberg. Une chose qui su aussi convaincre l’association ‹ InfraWatt ›, qui attribua le prix d’innovation au projet en 2019. D’autres centrales s’intéressèrent aussi à la solution mise en œuvre à Sarnen. Les premiers entretiens avec les fournisseurs à la recherche d’idées pour un projet similaire se sont déjà déroulés.

Entretemps on découvrit d’autres optimisations possibles : en modernisant le réseau, on obtient encore suffisamment d’eau dans le dernier réservoir pour la turbiner sur les derniers 90 mètres d’altitude. « À partir de là, nous aurons vraiment exploité toutes les possibilités », conclut le fontainier satisfait.