transfer édition 01 | 2019

‹ Nessie › serait jaloux

Des kilomètres de conduites forcées sillonnent le lac d’Ossiach

Lorsque des conduites transportant des eaux usées coupent un lac, cela exige d’importantes mesures de sécurité. La ­régie de l’eau du lac d’Ossiach en Kärnten (Autriche) raccorde neuf stations de pompage sous-marines avec la station d’épuration centrale à Villbach. La construction des conduites ­forcées sous-lacustres coûte certes nettement moins chère que pour des conduites terrestres, mais le fonctionnement est beaucoup plus complexe au niveau technique.

Lors de la fondation de la régie de l’eau du lac d’Ossiach (WVO), la situation était catastrophique. L’évacuation des eaux usées fécales se faisait presque sans traitement, directement dans le lac qui menaçait de se déverser. « Agir rapidement et trouver des idées pour évacuer les eaux usées autour du lac, devenait indispensable. Cette solution qui permettrait d’amener les eaux usées jusqu’à la station d’épuration centrale, devait être dans la mesure du possible économique, mais avant tout, rapide », raconte Norbert Schwarz, Directeur de la WVO. L’idée d’une conduite forcée sous le lac émergea finalement, car elle permet de couvrir rapidement une longue distance à moindres coûts comparés à une conduite terrestre.

Premier point de sécurité : l’étanchéité

Le fonctionnement et l’entretien de telles conduites sous-lacustres s’avèrent cependant complexes. Ces conduites doivent être parfaitement étanches et une fuite immédiatement détectée, puis réparée. « Voilà un des grands défis que nous avons dû relever », explique Norbert Schwarz. « On ne peut pas simplement sortir la conduite de l’eau. Nous avons besoin ici de gros compresseurs pour souffler de l’air et faire flotter la conduite. En fonction de l’importance de la fuite, l’air peut s’échapper et empêcher la pression de se former. Nous devons alors réparer la conduite sous l’eau, chose très compliquée suivant la profondeur du lac. »

« Identifier immédiatement une fuite et la colmater rapidement, voilà un des grands défis que nous devons relever. »

Ing. Norbert Schwarz, MBA, Directeur de la régie de l’eau du lac d’Ossiach (WVO)

La précision, un vrai challenge

La comparaison des mesures de la quantité aux stations de pompage avec celle du puit d’arrivage permet de surveiller les fuites : chose quelque peu complexe. « Les eaux usées comportent trois états : une phase comprenant un état solide, un état liquide comme de l’eau et un état gazeux avec essentiellement de l’hydrogène sulfuré », explique Norbert Schwarz. Ces conditions compliquent la mesure volumétrique car, mesurer le débit exige un calibrage pour un type précis et, dans l’idéal, avec une conduite pleine. Outre cette imprécision de mesure, le bilan entre l’arrivée et la sortie comporte une autre ­erreur : les eaux usées s’écoulent mais stagnent aussi dans la conduite où agissent différents processus biologiques. Trois heures sont ainsi nécessaires pour pomper et remplacer tout le volume d’une conduite forcée sous-lacustre.

« La conduite ne se trouve pas complètement à plat sur le fond du lac, mais passe par des monticules et creux », décrit l’ingénieur en soulevant un autre problème. Le gaz s’accumule aux altitudes maximales et la vitesse d’écoulement diffère suivant les phases.

La seule mesure du débit ne suffit donc pas pour établir si la quantité d’eaux usées pompées correspond avec celle qui arrive dans le puits. Le système de conduite RITOP associe donc intelligemment les nombreuses mesures de pression aux mesures volumétriques. Lors d’une fuite, la pression à l’entrée de la conduite change, modifiant le point de déclenchement de la pompe. « Une fuite agit comme un bypass où l’eau s’échappe en chemin. La pompe ne pousse plus toutes les eaux usées au travers de la conduite et demande moins de pression », explique l’ingénieur Schwarz en décrivant le principe. Suivant l’emplacement de la fuite, les différences de pression sont minimes. « Cela demande des algorithmes intelligents pour analyser les données », s’amuse Norbert Schwarz.

« La surveillance et la commande intelligentes de l’installation sont essentielles. »

Un matériau robuste

Les conduites sont construites en polyéthylène haute densité (PE-HD). Il s’agit d’un matériau qui reste longtemps extrêmement stable comme l’ont montré les études faites ces dernières années par le fabricant et un bureau d’étude indépendant à la demande de la WVO : « Nous avons été stupéfaits de découvrir le bon état des matières plastiques qui se trouvaient depuis plus de 40 ans dans le lac. Depuis, nous calculons une longévité d’au moins 100 ans », raconte Norbert Schwarz. Les canalisations terrestres sont normalement modernisées au plus tard au bout de 50 ans.

« Depuis, nous calculons une longévité d’au moins 100 ans pour les conduites. »


Les sollicitations mécaniques extérieures fragilisent cependant les conduites. « Nous ne connaissons jamais la position exacte de la conduite lors de son installation », explique Norbert Schwarz. « Si les conduites rencontrent des blocs erratiques au fond du lac, cela risque de vite de se compliquer. En effet, lorsque nous mettons les pompes en marche, l’eau dans la conduite reçoit un petit choc et la conduite se déplace risquant de s’abraser. » Lors de l’extension en 2017, la WVO utilisa le plastique de pointe PE-HD ‹ RC › (Restrictive Crack) protégeant mieux les conduites contre l’abrasion mécanique.

Deuxième point de sécurité : la gestion hydraulique

Le deuxième challenge touche la ­gestion hydraulique du système de conduites du lac, où près d’1,1 millions de mètres cubes d’eaux usées par an passent par les conduites forcées. Depuis l’élargissement en 2017, tous les tronçons ont été doublés et une conduite supplémentaire placée au ­niveau de la rive sud. Elle décharge la « tête de l’aiguille hydraulique » de la station de pompage Tschöran, à l’est du centre du lac. Cette station sert de réserve pour les quantités transportées, qui arrivent en cascade de l’est du lac vers l’ouest en direction de la ­station d’épuration.

« Malgré tout, les capacités hydrauliques restent limitées et nous devons éviter les mauvaises arrivées dans le réseau des eaux usées », souligne Schwarz. Grâce à la surveillance vidéo et aux tests à la fumée réguliers, la WVO essaie de détecter rapidement les fuites et éviter l’infiltration de l’eau phréatique et des eaux de surface dans les canalisations. Une chose essentielle lors de fortes pluies locales qui sont de plus en plus fréquentes et abondantes. Outre le dédoublement des conduites, la WVO modernisa la technique : toutes les pompes ont été remplacées par des pompes avec convertisseur afin d’augmenter si nécessaire, la quantité transportée en mode de surfréquence. « Bien sûr, le système prévoit des capacités supplémentaires en cas d’avarie. Cependant, si nous ne les utilisons pas intelligemment, elles seront vite épuisées », explique le directeur. « C’est pourquoi une surveillance et une commande intelligente de l’installation sont essentielles. »

Un usage réfléchi des capacités

230 stations de pompage auxiliaires dans les réseaux locaux viennent compléter les neuf stations de pompage principales des conduites forcées du lac. Toutes les commandes RIFLEX des stations principales se connectent au système de conduite RITOP dans la centrale via des fréquences radio exclusives. La centrale décide alors quelle station pompe, et quelle autre attend car les réserves suffisent. De même, elle affecte les réserves existantes. « Nous souhaitons à l’avenir intégrer les prévisions météorologiques au système de conduite. Par exemple lorsque des zones orageuses s’approchent entraînant de fortes précipitations, nous pourrions pomper depuis les installations et s’assurer ainsi des réserves dans les stations de pompage », explique Norbert Schwarz en décrivant les perspectives.

Le bon choix

La décision en 1970 de placer une conduite forcée sous-marine reste la bonne décision aux yeux du directeur, et ce « malgré les inconvénients existants et les exigences encore plus complexes liées au changement climatique » : de nouveaux challenges envers la surveillance et les technologies de mesure, ainsi que l’analyse du flux de données en résultant. « Pour en venir à bout, nous avons besoin de modèles mathématiques encore plus complexes », affirme sans hésitation Norbert Schwarz. « Je suis ici vraiment heureux de compter sur un partenaire de longue date avec Rittmeyer, qui connaît nos besoins et notre système afin de les mettre en œuvre. »

Crédit photo : iStock/Tatiana Dyuvbanova (photo de couverture), Wasserverband Ossiacher See (photos 1 et 3)

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Conduite forcée posée

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Eaux usées annuelles

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Vitesse d’écoulement dans la conduite

Vidéo sur la pose

La société suisse Felbermayr plaça les conduites. L’impressionnant travail d’ingénierie a été filmé dans une courte vidéo.