01 | 2022 LE MAGAZINE CLIENTS DE RITTMEYER Comment réussir la transmission du savoir ? Un objectif, plusieurs chemins Jeunes et anciens, une même mission Comment tous deux se complètent-ils Recherche de nouvelles recrues Un manque de visibilité et d’objectifs clairs
ENTRE NOUS Les défis des responsables du personnel dans notre secteur se ressemblent partout : la recherche de personnel qualifié se complique. Le changement démographique ainsi que la numérisation croissante avec tous ses nouveaux profils d’exigences portent sans aucun doute une part de responsabilité. Identifier les raisons se fait certes très vite, mais trouver la parade à ce manque l’est moins. Il est clair que passer les ‹ années du babyboom ›, le taux de natalité ne cesse de diminuer. Ainsi, dès l’entrée en retraite de cette génération, plus de gens quitteront la vie professionnelle qu’il n’en rentrera ; une chose qui ne se limite pas à la Suisse mais s’étend bien à tous ses voisins. La numérisation sembla la voie royale pour faire face au dilemme du manque de professionnels qualifiés. Cependant, même si telle ou telle tâche est ‹ automatisée ›, le problème persiste. À quoi bon un approvisionnement en eau dont plus personne ne comprend les interactions ni ne garde une vue globale ? Nous avons encore plus besoin de professionnels qualifiés qui disposent du savoir-faire lié aux activités de demain. Et pour cela, nous devons nous y préparer. L’Association allemande pour la filière hydraulique, les eaux usées et les déchets (Deutsche Vereinigung für Wasserwirtschaft, Abwasser und Abfall DWA) par exemple, s’appuie sur différents concepts qu’elle partage avec nous à partir de la page 11. À cela s’ajoute que le marché ne s’axe plus autour des employeurs, mais bien autour des employés. Les professionnels cherchent ‹ leur › entreprise, et non plus l’inverse. Nous devons donc nous montrer pour signaler notre recherche, un point particulièrement difficile pour notre secteur. Nos activités se déroulent en arrière-plan et s’imposent – malheureusement – chez la plus part des gens comme une évidence : l’eau est propre ; l’énergie de son côté vient de la ‹ prise ›. Nous ne connaissons pas non plus de restrictions. Je crois que nous parviendrons beaucoup mieux à ‹ démontrer › nos prestations et nos métiers clés pour la société lorsque nous trouverons de nouveaux talents. Mais pour cela, nous devons sortir de notre réserve, raconter notre travail, et nous montrer fière de ce que nous atteignons. Donner du sens aux activités exercées, est un point essentiel pour les jeunes gens lors du choix du champ d’action professionnel : une réponse que notre secteur impose presque comme une évidence. Pourquoi ne pas faire de la publicité émotionnelle ? Il existe déjà des instruments à cette fin. Par exemple : les médias sociaux. Nous atteignons ici les jeunes gens lorsque nous parlons leur langage. Lors d’un entretien avec de jeunes professionnels de l’Association suisse des professionnels de la protection des eaux (VSA), nous avons déjà pu obtenir quelques idées. Retrouvez notre échange à partir de la page 28. ENTRE NOUS Agir et le montrer. 01| 2022 2 | 3
Notre engagement pour trouver de jeunes recrues ne doit pas nous faire oublier les trésors conservés par nos employés plus anciens. Plus d’un quart des employés actuels appartient aux plus de 55 ans. Ces derniers sont porteurs d’une expérience, une connaissance et d’une compétence inestimables pour nos entreprises. Pour ne pas les perdre, nous devons aussi prendre en compte leurs besoins. Ils souhaitent souvent réduire leur charge de travail tout en transmettant leur savoir-faire. Une vraie chance gagnante-gagnante ! Mais le transfert de connaissances n’est pas toujours aussi facile. Lors de notre entretien avec Prof Dr Katrin Fischer de l’École supérieure de psychologie appliquée FHNW à Olten, nous découvrirons à la page 6, quelles méthodes nous propose la recherche psychologique. Un bon exemple de transfert de savoir-faire dans la pratique, nous livre Daniel Fischlin, Directeur général des Centrales Oberhasli AG, à partir de la page 24. Nous devrons repenser nos concepts. Un ‹ poste à vie › n’est quasiment plus une fin en soi. Nous devons aussi être en mesure de proposer la flexibilité que cette ‹ génération Z › souhaite. Des postes à temps partiel même dans les postes d’encadrement ainsi que des possibilités de garde pour les enfants ne sont là que deux facteurs clés pour nous rendre plus attractifs comme employeurs, et ce aussi auprès des femmes. Sans une meilleure conciliation de la famille et de l’activité professionnelle, nous ne parviendrons pas à combler plus d’un million de professionnels qualifiés manquants qui s’annoncent d’ici 2060, comme le montrent plusieurs études. Au travers de ce numéro de ‹ transfer ›, nous souhaitons vous éclaircir sur ce sujet à la fois essentiel et complexe, qu’est le transfert des générations. Nous espérons que ce numéro saura vous inspirer. Votre Hedy Setz Directrice des ressources humaines
6 24 16 20 34 11 28 SOMMAIRE Mentions légales transfer est le magazine clients bisannuel de Rittmeyer AG. Éditeur Rittmeyer AG Une société du BRUGG GROUP Inwilerriedstrasse 57, CH - 6341 Baar www.rittmeyer.com Directeur de publication Andreas Borer Rédaction et mise en page up! consulting ag, Ruggell (FL) Email à la rédaction transfer@rittmeyer.com Crédit photo Rittmeyer AG, iStock (CreativaImages: S. 1 | debela: S. 1 | vladwel: S. 1 | adamkhovn: S. 1 | akindo: S. 4, 6–10 | Pict Rider: S. 4, 16–17 | GeorgePeters: S. 4, 20–23 | Ponomariova_Maria: S. 4, 28–29, 33 | Feodora Chiosea: S. 4, 34 | sesame: S. 5 | Jaengpeng: S. 31); Peter Sturn (S. 4, 8); DWA Landesverband BW (S. 4, 11–15); Michael Fuchs Fotografie (S. 12); Paebi, CC BY-SA 3.0 (S. 18); Andre Urech (S. 19); David Birri (S. 4, 24–27); mise à disposition privée Date de parution Mai 2022 Mauvaise adresse ? Veuillez nous informer si votre adresse a changé : www.rittmeyer.com/adresse Les points de vue et les avis de tierces personnes qui sont publiés dans le cadre des articles, ne correspondent pas forcément avec les points de vue et avis de Rittmeyer AG. EXPERTISE & ENTRETIEN PERSPECTIVES EN BREF Une question de langage Les centrales Oberhasli à la reconquête de la jeune génération Expliquer l’implicite Le transfert des connaissances au cœur de la recherche psychologique Une sous-traitance réussie : le maître-fontainier comme prestataire externe. Jeune et numérique : repenser la filière hydraulique de demain Y’a-t-il quelqu’un ici ? Les associations professionnelles en quête de nouvelles recrues Se montrer : les jeunes professionnels face au dilemme de la filière hydraulique Soyez rassurés ! Rittmeyer assure une connaissance toujours actuelle sur les installations de ses clients 01| 2022 4 | 5
0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 30 33 15 37 4 36 Plus de chances Plus de risques Personnes ayant une idée du fonctionnement d'un algorithme Personnes ayant une idée approximative du fonctionnement d'un algorithme Personnes ne connaissant pas la notion d'algorithme 0 % 20 % 40 % 60 % 80 % 81 / 79 80 / 82 79 / 81 75 / 80 74 / 79 73 / 69 65 / 67 65 / 66 64 / 67 62 / 60 53 / 59 10 6 Moyenne Personnes ayant une idée du fonctionnement d'un algorithme Droit d'avoir une deuxième évaluation Droit à l'information Identification des décisions prises par l'algorithme Accès aux algorithmes pour des experts indépendants Organisation de contrôle des algorithmes Interdiction d'autodécision par ordinateur Commission d'éthique Règles morales pour les développeurs d'algorithmes Droit d'action pour les organisations de protection des consommateurs Possibilité de choisir entre une décision humaine et celle d'un algorithme Embauche de plus de spécialises dans les administrations Interdiction complète d'utilisation d'algorithmes 0 % 20 % 40 % 60 % 80 % 60 57 67 29 61 53 40 18 24 35 16 8 Précision Progression Efficacité Décisions jutes Personnes ayant une idée du fonctionnement d'un algorithme Personnes ayant une idée approximative du fonctionnement d'un algorithme Personnes ne connaissant pas la notion d'algorithme EN BREF Une assistance bienvenue Les algorithmes sont des instructions prédéfinies qui mènent à la résolution de problèmes complexes. Leurs champs d’application sont larges : sélection de l’affichage des publicités en ligne, création de recommandations pour une STEP ou un approvisionnement en eau ou encore diagnostic médical. Ainsi le rejet des algorithmes et de la numérisation peut vite devenir massif. Cependant, on s’aperçoit aussi que la confiance en les assistants numériques peut être renforcée lorsque ses utilisateurs évaluent mieux leur fonctionnement. Une conscience raisonnable des risques et des limites persiste. Sources : « Que pense-t-on en Allemagne des algorithmes » – Bertelsmann Stiftung (2018) Des décisions par algorithmes ouvrent-elles de nouvelles chances ou dissimulent-elles des risques ? À quoi pensez-vous lorsque vous entendez parler d’algorithmes ? Quelles mesures de contrôle d’un algorithme seraient d’après-vous les mieux adaptées ? Mieux comprendre un algorithme n’implique pas pour autant de ne plus faire attention . Ainsi toute personne ayant une idée de son fonctionnement, tend souvent à renforcer le contrôle:
EXPERTISE Prof Dr Katrin Fischer est professeur à l’École supérieure de psychologie appliquée FHNW. Elle travaille entre autres sur le comportement humain dans des systèmes sociotechniques complexes, ainsi que sur les réactions face aux dispositifs techniques. Nous nous sommes entretenus avec elle sur les conditions qui favorisent ou freinent le transfert de connaissances du point de vue psychologique. Le transfert des connaissances au cœur de la recherche psychologique EXPLIQUER EXPERTISE 01| 2022 6 | 7 transfer
Madame Dr Fischer, comment s’approprie-t-on la recherche en matière de transfert de connaissances ? Nous distinguons dans un premier temps les différents types de connaissance car ils exigent aussi différentes méthodes de transfert. Nous pouvons alors représenter ces types dans une matrice 2 × 2. Une dimension nous permet de noter la connaissance individuelle dont une personne dispose, et à côté de cela, la connaissance collective d’un groupe. Il s’agit par exemple du savoir-faire dont tous les opérateurs d’un certain service disposent. La deuxième dimension – la plus intéressante du point de vue psychologique – différencie l’implicite de l’explicite. Les gens ont conscience d’une connaissance explicite ! Ils parviennent à la décrire. Elle regroupe entre autres les réglementations, procédures, listes de contrôle, bases de connaissances ou descriptions de processus. Cette connaissance explicite est aussi généralement bien documentée et se retrouve aussi bien dans la connaissance individuelle que dans celle collective. Les choses se compliquent pour la connaissance implicite. Qu’entendez-vous par compliqué ? En Psychologie, nous parlons aussi de ‹ connaissance silencieuse › pour désigner la connaissance implicite. Nous retrouvons souvent ici des acteurs qui ont conservé un immense savoir-faire dans leur tête grâce à leur longue expérience, mais n’en ont pas conscience. C’est pourquoi il leur est plus di�cile d’expliquer les choses, et cela ne sert donc à rien de demander à une personne six mois avant sa retraite de mettre par écrit ‹ toutes › les informations importantes pour son poste. De plus, comment le pourrait-elle sans avoir conscience de cette connaissance ; une chose qui devient donc très vite démotivante. Une connaissance implicite peut aussi être collective. Elle regroupe les expériences communes et se développe au fil des interactions. Au cours d’une →
EXPERTISE collaboration de longue date avec toujours les mêmes acteurs, de nombreuses règles importantes mais implicites s’imposent et ne sont pas documentées. Les participants ne les considèrent plus, elles sont acquises et on ne les découvre vraiment que le jour où elles ne fonctionnent plus. Des processus qui jusqu’ici fonctionnaient comme des rouages parfaitement huilés, commencent à devenir imprévisibles car une des personnes est partie à la retraite et que l’équipe accueille un nouveau membre. Quelles approches existent-il afin de pouvoir transférer cette connaissance implicite dans une entreprise ? Nous distinguons trois étapes lors du transfert que nous différencions entre l’explication, la documentation et l’utilisation. Il est nécessaire de prendre en compte toutes ces trois étapes. Dans le cadre de la recherche, nous maîtrisons déjà plusieurs méthodes qui permettent de transférer la connaissance implicite. Elles ont toutes un point commun : elles demandent beaucoup plus d’implica- « Il n’existe pas de solution universelle afin de transmettre explicitement la connaissance. Les méthodes doivent avant tout correspondre à l’entreprise et aux personnes qui l’occupent. » Prof Dr Katrin Fischer, Professeur à l’Institut humain dédié aux systèmes complexes à l’École supérieure de psychologie appliquée FHNW 01| 2022 8 | 9
tion personnelle que le transfert de connaissances explicites. Une nouvelle méthode, le ‹ principe Götti › – consiste en un parrainage par des employés expérimentés pendant une période prolongée. Les nouveaux employés travaillent au quotidien avec leur parrain (Götti), observent de nombreuses choses et peuvent au moment de passer à l’acte, demander des précisions. Une autre méthode qui fonctionne aussi, est la narration (Story Telling). Au départ, on se concentre sur un évènement, positif ou négatif. Puis nous faisons des tables rondes avec les participants et nous les laissons raconter sans vraiment trop structuré le récit. En posant des questions « Pourquoi » bien ciblées, on parvient à mettre la connaissance en évidence à partir de ce récit. Cette méthode est certes bien moins structurée que des directives, des instructions ou des listes de contrôle, mais nous obtenons une vraie connaissance détaillée et approfondie sur un cas particulier. Il peut s’avérer utile de faire ici appel à une personne externe pour animer le dialogue. En tant qu’externe, elle pose des questions auxquelles un chef d’atelier ne penserait pas forcément. Pour rendre la connaissance implicite collective explicite, nous faisons appel à la méthode « Pré-job » et « Débriefing ». Cette méthode est souvent appliquée dans les ateliers. Le Préjob Briefing consiste au préalable à passer au crible mentalement le processus tout en essayant de mettre en évidence les points spécifiques. Le Débriefing ensuite, s’applique à identifier ce qui a bien et moins bien fonctionné ainsi que les points à prendre en compte la prochaine fois. Il souligne aussi les points éventuels restant à communiquer aux collègues de l’équipe suivante. Pourquoi les entreprises connaissent-elles encore autant de difficultés afin de transmettre les expériences aux plus jeunes ? Chacune des trois phases du transfert de connaissances regroupe des facteurs porteurs et des obstacles à franchir. Ils se manifestent à différents niveaux en fonction des individus, au sein des équipes, au niveau technique ainsi qu’organisationnel voire au niveau du système entier. Par exemple au niveau individuel, le fait de donner un sens à la gestion des connaissances et à son transfert, aide souvent à débloquer le niveau des employés. À partir du moment où ils y trouvent une utilité, leur motivation augmente nettement. Cette utilité peut tout simplement se résumer à se sentir valorisés car ils partagent leur savoir. D’un autre côté, la crainte de devenir superflu en perdant son savoir, devient vite un obstacle car la personne « enfouira » sa connaissance spécifique. Une perte possible de son statut ou de son pouvoir au sein de l’entreprise peut devenir un facteur inhibiteur au niveau individuel. Au niveau technique, nous retrouvons les instruments liés à la documentation des connaissances qui sont mal utilisés et rendent le transfert plus di�cile. SharePoint par exemple équivaut quelque peu au triangle des Bermudes des données au sein de nombreuses entreprises. Les employés alimentent les sites de partage, mais ne retrouvent plus ce qu’ils y avaient publié : une chose très vite démotivante. Au niveau de l’organisation, une culture ouverte orientée vers la connaissance et une gestion participative de cette dernière s’avère très profitable. Il faut en outre une certaine stabilité afin d’encourager le transfert de connaissances. Les entreprises qui se réorganisent en permanence rendent la gestion de la connaissance beaucoup plus compliquée. L’esprit de concurrence qui s’installe régulièrement entre les différentes unités de l’organisation entrave une bonne gestion de la connaissance. Et le plus important : la direction doit clairement se positionner en faveur du transfert de connaissances. Cela implique aussi de mettre à disposition les ressources temporelles et personnelles nécessaires. La culture de l’erreur permet également de développer la gestion de la connaissance. Ne pas montrer le bon exemple à ce niveau et ne pas porter pleinement un tel projet, anéantit purement et simplement la gestion de la connaissance au sein d’une entreprise. Dans quelle mesure la culture de l’erreur joue-t-elle un rôle clé ? La culture de l’erreur et la gestion de la connaissance interagissent étroitement et profitent donc l’une de l’autre. Afin de conserver durablement la connaissance, nous ne devons pas chercher de coupable en cas d’erreur et cesser de demander qui l’a commise. Nous devons surtout nous attacher à détailler systématiquement ce qui s’est passé : identifier quels facteurs ont contribué à l’erreur puis essayer d’y remédier durablement. →
EXPERTISE D’un autre côté : une mauvaise culture de l’erreur entraîne, dans le pire des cas, la dissimulation de l’erreur. Les employés partagent avant tout des faits et non des incertitudes. La connaissance et par conséquent son déficit, ne parviennent pas à remonter à la surface. Bien sûr une telle culture ne se change pas du jour au lendemain. Il s’agit bien d’un processus de développement qui s’étend sur plusieurs décennies. Les évènements entraînent souvent une progression dans ce domaine. C’est pourquoi les secteurs qui se trouvent au cœur de l’intérêt public sont souvent bien plus ouverts que ceux qui évoluent dans l’ombre. Dans les centrales hydroélectriques suisses mais aussi dans le secteur du transport aérien, nous avons pu observer une bonne culture de l’erreur. Ces secteurs ont connu dans le passé des évènements très tragiques qui ont nettement contribués à une évolution positive de cette culture. Indépendamment de tels évènements – comme plus généralement au cours de la gestion de la connaissance – nous avons ici aussi constaté que la culture de l’erreur ne s’établissait que si elle était pleinement portée par la direction. Au final, ce dépend-t-il essentiellement des dirigeants ? Peut-être pas complètement, mais une grande partie oui. En tant que chef, on doit réfléchir largement en amont à la planification des successions et du bon développement d’une culture de l’erreur. Il faut trouver les bonnes méthodes afin d’assurer la transmission de la connaissance au sein d’une entreprise. Je crois que ces points se perdent souvent aujourd’hui dans le stress quotidien qui règne dans les entreprises. Cependant, on se dessert plus en esquivant ces sujets. Il n’existe pas LA solution universelle afin de transmettre explicitement la connaissance. Les méthodes doivent avant tout correspondre à l’entreprise et aux personnes qui l’occupent. La solution réside peut-être simplement dans la réalisation de courtes vidéos décrivant les différentes étapes d’un processus tout en les commentant. Cette méthode est nettement plus simple que de devoir tout rédiger. Dans les galléries des centrales qui n’ont pas de connexions Internet, il peut être judicieux de rédiger des instructions pas plus grandes que des cartes bancaires à l’aide de photos au lieu de les placer sur le serveur SharePoint. Ou encore pourquoi de pas créer une académie des séniors qui permettrait aux employés expérimentés d’investir dix pourcents de leur temps dans une transmission ciblée de leurs connaissances. Quelles sont les méthodes avec lesquelles vous avez réalisé les meilleures expériences ? La méthode de la narration (Story Telling) nous a apporté de très bons résultats. Dans une centrale nucléaire par exemple, nous avons animé des ateliers au cours desquels nous avons passé ensemble au crible l’évacuation des combustibles nucléaires. Les participants ont vraiment été surpris de voir la quantité de connaissances implicites qui en ressortit. Au départ, ils souhaitaient un autre processus car ils pensaient que le transport des combustibles était limpide ainsi que parfaitement documenté. Nous avons rapporté les résultats sur des formulaires que la centrale a ajouté aux documentations relatives à chaque processus. Au cours de la prochaine exécution du processus, cette connaissance pourra être explicitement utilisée. J’ai aussi fait l’expérience que les employés se réjouissent toujours lorsqu’on les écoute et qu’ils peuvent expliquer leur travail en détail. Ils se sentent valorisés car leur expertise et leurs connaissances deviennent importantes au sein de l’entreprise. Ils racontent souvent au début les choses comme elles sont décrites dans les manuels, puis au final, cela finit toujours par : « Ah tu sais – je vais te dire comment cela fonctionne vraiment. » Et voilà la vraie connaissance qui doit être conservée. Merci beaucoup pour cet entretien. « Tout le monde a le droit à l’erreur. Mais il est interdit, de pas apprendre de ces erreurs. » 01| 2022 10 | 11
La numérisation peut offrir une vraie chance pour les secteurs de l’approvisionnement et de l’élimination, notamment lorsque la jeune génération plus à l’aise avec le numérique va accéder à la vie professionnelle. Une chose dont André Hildebrand, Directeur général, et Boris Diehm, Directeur de l’Association fédérale de Bade- Wurtemberg de la ‹ Deutsche Vereinigung für Wasserwirtschaft, Abwasser und Abfall DWA › (Association allemande pour la filière hydraulique, les eaux usées et les déchets) sont convaincus. Les entreprises doivent cependant se préoccuper encore d’avantage de la numérisation et se montrer prêtes à partager leurs connaissances. Pour cela, il sera nécessaire de faire appel à un personnel qualifié sachant profiter des avantages technologiques offerts, et possédant les connaissances pour répondre aux activités de demain. Plusieurs possibilités sont actuellement éprouvées en Bade-Wurtemberg. → JEUNE ET NUMÉRIQUE Repenser la filière hydraulique de demain EXPERTISE
EXPERTISE ment du réseau haut débit et portable – et d’autre part, la sécurité des systèmes d’information et des infrastructures critiques exige une attention renforcée. Les professionnels qualifiés devront rapidement augmenter dans le secteur. « En Bade-Wurtemberg, un manque important s’annonce. De nombreux professionnels qualifiés vont partir à la retraite dans les années à venir et nous ne serons pas en mesure de compenser des départs, ni par la formation ni par l’emploi », assure Boris Diehm. Les prestations de services offertes par les exploitants ne cessent de gagner en complexité en raison des restrictions écologiques plus strictes. C’est pourquoi la formation, les entreprises, les administrations mais aussi les employés doivent eux-mêmes réagir afin de relever ces défis. Ajuster la formation Apprendre tout au long de sa vie, un point que la DWA plébiscite depuis longtemps en Bade-Wurtemberg. Les deux collègues DWA s’accordent cependant à dire que la formation gagnera nettement en importance : « La numérisation exige d’ajuster les standards de formation. Le personnel doit être formé à de nouveaux concepts de formation et à penser en réseaux. Nous devons donc concevoir des contenus de formation encourageant la réflexion systématique », clarifie Boris Diehm. Kienbaum et Stepstone publièrent récemment une étude portant sur l’apprentissage de demain. Selon cette dernière, encourager la ‹ compétence numérique › des professionnels qualifiés et d’encadrement de demain gagne nettement en importance dans toutes les institutions et les disciplines, complète André Hildebrand. Le plan cadre des formations aux métiers technico-écologiques est de ce fait actuellement complètement revu en Allemagne. Outre les contenus de formation, les deux experts soulignent que le manque émane avant tout du désintéressement envers le secteur. La DWA regroupe le personnel qualifié et d’encadrement dans le secteur de l’eau et des déchets en Allemagne. Le regroupement indépendant compte près de 14 000 membres et se positionne pour une filière hydraulique durable. Il encourage aussi la recherche et de développement. La numérisation et les progrès rapides en matière de logiciels, matériels, réseaux et intelligence artificielle ouvrent d’énormes possibilités d’optimisation au niveau des installations notamment en matière de solutions globales, explique André Hildebrand. Aussi bien l’environnement que les hommes en profitent et il devient possible d’économiser des ressources et du temps. Afin de profiter pleinement de ce potentiel, d’une part des conditions techniques s’imposent – élargisse- « D’un côté nous disposons d’un bien durable comme l’eau, et de l’autre de jeunes gens issus de la génération numérique, qui sont en quête d’une activité remplie de sens. Voilà une vraie chance ! » Boris Diehm, Directeur de l’Association nationale DWA Bade-Wurtemberg 01| 2022 12 | 13
Développer les intérêts Au cours de ces dernières années, on constate que de moins en moins de professionnels qualifiés entrent en formation. « Nous n’avons donc plus suffisamment de personnel à disposition pour la formation de maître », s’inquiète Boris Diehm. Le directeur de l’Association fédérale rebondit sur ce point : « Nous devons mieux présenter toutes nos activités à l’extérieur. Les jeunes gens souhaitent aujourd’hui donner du sens à leurs activités. Nous disposons donc d’une situation idéale : quoi de mieux que de dire ‹ Je suis responsable d’une eau propre dans un environnement technologique de pointe › ? » Montrer clairement les possibilités offertes par la filière hydraulique grâce à toutes ses méthodes de travail innovantes, aiderait sans doute à dépoussiérer l’image du secteur. Cela engendrerait une meilleure prise de conscience de la nécessité de changer le secteur et une fierté accrue envers ses propres activités. Grâce à son initiative dédiée aux jeunes professionnels ‹ De l’eau, bien sûr ›, le Bade-Wurtemberg souhaite rendre l’image du métier plus attractive. La participation est impressionnante : plus de 400 des 600 stations d’épuration en Bade-Wurtemberg y participent et s’appliquent à rendre la filière hydraulique plus visible. « Notre objectif est de créer nousmême notre image et celle perçue à l’extérieur dans sa globalité, et non pas que sur certains points. Le nombre d’exploitants génère une attention que presque aucun autre secteur ne peut atteindre. Grâce à nos grandes idées et sujets autour de l’eau et de la durabilité, nous avons vraiment les moyens d’agir », explique André Hildebrand convaincu. Développement du progrès Les exploitations doivent cependant elles-mêmes investir dans leurs employés afin de faire avancer la numérisation. Notamment pour les petites exploitations, il est important d’encourager la formation continue active de leurs employés afin d’améliorer leurs capacités à utiliser les outils numériques, confirme le directeur : « Les experts informatiques arrivent rarement jusqu’au secteur de l’élimination et si cela est le cas, plus chez les grandes entreprises que chez les petites. » Identifier clairement les compétences nécessaires par le personnel de demain est indispensable afin de maîtriser la transformation numérique. Une stratégie individuelle numérique spécifique à son entreprise facilite nettement cette tâche. André Hildebrand : →
EXPERTISE d’épuration proches participent à ces évènements centrés autour d’ateliers. Les conférences apportent en outre des connaissances sur les sujets actuels. « Il s’agit d’un instrument important pour transmettre la connaissance sur plusieurs générations et deviendra dans les prochaines décennies crucial », explique André Hildebrand convaincu. La coopération entre les exploitations peut aussi ouvrir de toutes nouvelles chances : « Les regroupements de ces dernières années ont souvent été un sujet délicat. La jeune génération politique permettra sans doute de changer les options à ce sujet », dit le directeur. Ils visent une responsabilité écologique et juridique plus forte et deviennent donc plus ouverts en matière de regroupement. Se montrer volontaire Boris Diehm reste cependant optimiste face aux défis de demain : « La numérisation et une filière hydraulique durable sont des sujets passionnants qui attisent l’intérêt des jeunes gens comme le confirme les évènements ‹ Fridays for Future ›. Je suis donc confiant que nous trouverons de nouveaux jeunes talents demain. » « Les compétences nécessaires pour l’exploitation doivent toujours rester à l’esprit avant tout investissement important dans les utilitaires numériques. Ces derniers ne représentent au final qu’une infime partie de ces compétences. Nous n’obtiendrons qu’un progrès limité si nous nous contentons d’installer les outils numériques. » Pour ce faire, les employés doivent être prêts à s’investir dans une formation continue, à développer leur personnalité et à faire progresser leurs capacités. Les entreprises doivent donc accompagner activement leur personnel et le motiver à entrer dans de tels processus d’apprentissage. « D’autre part, les entreprises doivent être prêtes elles-mêmes à se soumettre à une gestion externe et ciblée du changement afin de prendre en compte tout le processus, et ce au niveau individuel et organisationnel », clarifie André Hildebrand. Les chances de réussite du projet augmenteraient en même temps que la satisfaction à long terme de tous les employés avec leurs activités. Vivre ensemble Selon Boris Diehm, un défi particulier réside dans le grand nombre d’exploitants de stations d’épuration en Bade-Wurtemberg. Notamment les petites exploitations sont complètement surchargées par leurs tâches quotidiennes. Il devient alors encore plus difficile d’identifier les idées porteuses de numérisation et dans quelle technologie il faut investir à l’avenir. L’échange entre les différents exploitants devient essentiel afin de mieux répondre aux activités de demain. « Pour transmettre la connaissance, je crois en un mixte comme solution optimale : d’un côté nous avons des jeunes et des professionnels expérimentés qui travaillent en parallèle sur certaines tâches pendant un certain temps, et de l’autre, nous devons encourager l’échange de connaissances avec d’autres exploitations », explique Boris Diehm. En Allemagne et notamment en Bade-Wurtemberg, on s’applique depuis plus de 50 ans à développer le model de ‹ Voisinage › pour transmettre le savoir-faire. 60 initiatives dans ce sens existent déjà en Bade-Wurtemberg. Près de 4 000 professionnels qualifiés et dirigeants échangent leurs expériences, les données d’exploitation ainsi que leurs états obtenus sur des situations similaires. Près de 15 à 20 personnes des stations « Simplement installer un utilitaire numérique ne suffit pas pour réaliser une optimisation. Nous ne devons pas oublier les gens et les processus. » André Hildebrand, Directeur de l’Association fédérale DWA du Bade-Wurtemberg et membre de la direction de l’institut Digital Water 01| 2022 14 | 15
La volonté de travailler avec des utilitaires numériques et de mettre en œuvre un processus de changement existe bien. Le logiciel cloud ‹ DWA BETRIEB › qui regroupe toutes les données d’exploitation de toutes les stations d’épuration en Bade-Wurtemberg le prouve, comme le souligne fièrement André Hildebrand : « Toutes les installations mirent en œuvre leurs interfaces et transmettent leurs données. Les exploitations se sont montrées très intéressées par un travail plus optimal, la valorisation des résultats d’exploitation grâce à la documentation et à la visualisation, la localisation des écarts et la création directe d’un rapport énergétique et écologique destiné aux administrations concernées. La phase de mise en place demande certes certains efforts mais au fil du temps, les systèmes numériques prennent en charge une bonne partie du travail. » Des solutions qui fonctionnent comme celles-ci sont une clé importante pour l’acception de la numérisation, poursuit Boris Diehm : « Si nous parvenons à réaliser une architecture commune à tout le secteur, nous ferons nettement progresser le sujet. Ce point est difficile et demandera un certain nombre d’efforts. Nous devons aussi avoir conscience que cette architecture spécifique à notre secteur ne sera jamais terminée, mais est vouée à une évolution permanente. Cependant nous devons commencer à la mettre en place, et cela pourra fonctionner. » Grâce à son initiative dédiée aux jeunes professionnels ‹ L’eau. Bien sûr ›, le Bade-Wurtemberg souhaite augmenter l’attractivité de la filière hydraulique. En savoir plus www.wasser-allesklar.de
EXPERTISE La commune ne disposait plus que d’un an et demi pour trouver un successeur à son fontainier qui l’accompagnait déjà depuis de longues années. Le temps était venu pour lui de profiter de sa retraite bien méritée. « Nous avions conscience qu’il serait très difficile de trouver un remplaçant. Notre région fait face à un manque persistant de personnel qualifié. Même les communes plus importantes cherchent aussi du personnel sans succès », se souvient Dominic Suter, responsable de la construction et de la planification de la commune Gebenstorf, dont le service couvre aussi l’approvisionnement en eau. Les petites communes comme Gebenstorf parviennent à peine à couvrir 100 pourcents du poste de fontainier, comme le souligne Suter. Cela vient des exigences organisationnelles comme la mise en place d’un remplaçant ou d’un piquet. À cela s’ajoutent les exigences croissantes pour le traitement des eaux, ainsi que les contrôles et directives de sécurité de plus en plus strictes. « Cela nécessite des connaissances techniques de plus en plus pointues exigeant une formation continue permanente qui est difficilement compatible avec les tâches d’exploitation 24/24H du fontainier », renforce Dominic Suter. Réfléchir à des variantes La direction de la commune a donc cherché d’autres options : soit l’intégration de l’approvisionnement en eau à celui de l’électricité UNE SOUS-TRAITANCE RÉUSSITE Le fontainier est un prestataire externe Gebenstorf dans le canton d’Argovie est une commune comptant près de 5 600 habitants. Le fontainier de la commune ayant atteint l’âge de la retraite, la question de sa succession s’est posée. La commune a choisi cependant pour une autre solution : elle a déléguée cette tâche à un prestataire externe. EXPERTISE 01| 2022 16 | 17 transfer
de la Gebenstorf AG, certes communale mais indépendante, soit l’externalisation des activités du fontainier. « Regrouper l’approvisionnement en eau avec celui d’une commune voisine ouvrait encore une autre possibilité », complète Dominic Suter. « Mais nous avions déjà vérifié cette derrière option des années auparavant puis finalement pas retenue pour des raisons financières. » → « Grâce à un partenaire expérimenté, nous atteignons un nouveau stade de professionnalisme dans l’exploitation, et nous disposons de remplaçants afin de mettre en place un service de piquet dans de bonnes conditions. » Dominic Suter, Directeur de la construction et de la planification de la communeGebenstorf
Un approvisionnement en eau d’avenir Gebenstorf se posa d’abord la question de savoir qu’elle devait être la « bonne » organisation des tâches liées à l’approvisionnement en eau pour en satisfaire toutes ses exigences tout en proposant des postes de travail attractifs. « Nous avons très vite constaté que nous devions dans un premier temps définir les thèmes et le cadre », résume Suter. Pour ce faire, la commune chercha de l’aide auprès d’une entreprise de conseil externe. Dans un groupe de travail spécialement mis en place pour l’occasion, une analyse en amont permit d’examiner les différentes formes d’organisation et de coopération afin de réaliser un approvisionnement en eau durable. Les résultats ont été structurés de manière à mettre en évidence les avantages, les inconvénients et les profits pour la commune. « Avec le conseil municipal, nous étions alors en mesure de clairement déterminer quelles parties de la responsabilité nous incomberaient à l’avenir en tant que propriétaire, et qu’elles tâches resteraient à la charge de l’exploitant », explique Suter. Des rôles séparés entre propriétaire et exploitant La commune était jusqu’ici le propriétaire et l’exploitant de ses installations. Seules pour quelques tâches comme l’organisation de piquets ou pour des questions spécialisées et des appareils spéciaux, elle faisait appel aux services d’externes. Dans le même temps, il était clair que le transfert de propriété à un tiers n’obtiendrait jamais la majorité et seules les solutions qui ne l’exigeaient pas, furent prises en compte. Transférer les installations de l’approvisionnement en eau à une société anonyme propre à la commune, ne s’avérait profitable que si une organisation globale de l’exploitation se mettait en place. De plus, cela signifierait qu’il faudrait d’abord acquérir les connaissances spécifiques nécessaires et continuer à les développer à l’avenir. Les atouts, faiblesses, chances et risques des différentes variantes ont été comparés et évalués. On sonda aussi les expériences faites dans les différentes communes en matière de sous-traitance de la Commune de Gebenstorf en Argovie : au niveau du château d’eau, l’eau coule dans l’Aare, Reuss et Limmat à partir de 40 pourcents de la surface totale de Susse. EXPERTISE 01| 2022 18 | 19
fonction de fontainier. « Transférer l’exploitation des installations primaires et du réseau de distribution à une seule organisation, s’est finalement imposé comme une évidence, pour atteindre nos objectifs », résume Dominic Suter. La commune reste propriétaire des installations et conserve la responsabilité des contenus, des délais des maintenances ainsi que de l’extension du réseau. Elle conserve aussi l’autonomie de décision en matière de taxes sur l’eau. Appel d’offres pour le service Seuls deux types d’organisation de l’exploitation s’intégraient vraiment dans une gamme de services déjà existante. En vue de finaliser la décision, un cahier des charges détaillé des exigences à satisfaire par le prestataire externe, a été soumis aux deux entreprises possibles dans le cadre d’un appel d’offres. « Nous avons pris personnellement contact avec les deux organisations pendant et après notre décision », décrit Suter au sujet de cette procédure inhabituelle dans des appels d’offres. « Nous souhaitions dans tous les cas avoir une attitude ouverte et transparente face à notre décision, une chose qui a été très bien perçue, également par le prestataire qui n’a pas été pas retenu. » Suter tient à insister sur le fait que la décision ne fut pas uniquement prise en fonction d’aspects purement économiques : « Nous voulions aussi connaître les prestataires, la manière dont ils allaient tenir leur rôle à l’avenir, comment ils impliqueraient la population et avant tant tout comment ils maintiendraient la communication. » Aucun ressentiment, un passage progressif réussi À partir du 1er janvier 2022, nous avons donc chargé les exploitations industrielles Brugg (IBB) de l’exploitation de l’approvisionnement en eau pour la commune Gebenstorf, ainsi que des tâches imputées au fontainier. « La transition s’est parfaitement bien passée », atteste Dominic Stuter. « Nous sommes bien sûr très reconnaissants, qu’Erich Wittwer, notre ancien fontainier et désormais fraîchement retraité, nous ait assisté tout au long de ce passage de relai afin de transmettre sa vaste connaissance difficilement documentable. » La commune de Gebenstorf est certaine que cette forme d’organisation permettra d’atteindre un nouveau stade de professionnalisme dans son approvisionnement en eau. À l’aide de leur expertise, les IBB deviennent ainsi un partenaire expérimenté aux côtés duquel il sera possible de faire face aux défis complexes à venir et à satisfaire dans de bonnes conditions les services de piquet nécessaires grâce au grand nombre de personnel qualifié disponible. La décision du groupe de projet et du conseil municipal a de fait remporté une majorité absolue au sein de l’assemblée municipale qui a approuvée la nouvelle organisation ainsi que de son budget. « Au final, rien n’a vraiment changé : l’infrastructure continue d’appartenir à la commune et le fontainier reste notre premier interlocuteur dans le cadre de sa fonction de conseil, et ce même s’il est externe. Les coûts au bout du compte ne divergent pas tellement d’un poste à plein temp », conclut Stuter, plus que satisfait de cette décision et du déroulement du processus. « Dans notre secteur, il est très difficile de trouver du personnel qualifié, à moins de le débaucher d’un autre poste. Une chose que nous excluons sans appel. » Dominic Suter, Directeur de la construction et de la planification de la commune Gebenstorf
EXPERTISE EXPERTISE Is there anybody out there? Les associations professionnelles en quête de nouvelles recrues 01| 2022 21 20 |
Un secteur trop méconnu Le secteur de l’approvisionnement est à l’aube d’une vague de retraite. Dans le même temps, il est difficile de trouver de nouvelles recrues qualifiées. Franziska Meier et Lorenz Bützberger respectivement responsables des formations chez l’ASF et la SSIGE s’accordent à dire qu’il est essentiel de mieux faire connaître ces métiers. Il manquent notamment actuellement de nombreux monteurs de réseaux dans les ateliers. Si on tient compte des chiffres, un cursus spécifique de formation initiale suisse pour les monteurs de réseaux n’en vaut pas la peine, admet Lorenz Bützberger. Cela permettrait cependant de mieux faire valoir les perspectives professionnelles comme par exemple e métier d’installateur sanitaire. De plus passées plusieurs années d’expérience, il est possible de passer le Brevet fédéral en monteur de réseaux sans posséder une formation initiale. « Les salons des métiers nous aident à mieux faire connaître cette formation, et une meilleure sensibilisation dans les écoles professionnelles ouvre de nouvelles voies », confie Lorenz Bützberger. Franziska Meier, de son côté, souhaiterait agir encore plus en amont afin de valoriser l’eau à grande échelle : « Nous considérons l’eau comme une évidence. Nous devrions très tôt mieux montrer que l’eau est une ressource essentielle et mieux la faire connaître : d’où provient-elle et quelles sont ses qualités. » Pour cela il faut intervenir dès le cursus primaire et augmenter ainsi la connaissance des différents métiers du secteur. La SSIGE a fait en outre de bonnes expériences en thématisant l’eau comme aliment et en augmentant la prise de conscience au sein des conseils communaux qui sont chargés de l’approvisionnement local en eau : une manière aussi d’attirer encore d’avantage l’attention sur ces métiers et sur leur importance. → Une chanson vous vient à l ’esprit ? Oui c’est vrai. Le titre provient bien d’une chanson des Pink Floyd en 1979. Le texte de la chanson aurait très pu refléter la situation actuelle que connait le secteur suisse de l ’approvisionnement. Franziska Meier de l’Association suisse des fontainiers ASF et Lorenz Bützberger de la Société Suisse de l’Industrie du Gaz et des Eaux (SSIGE) savent très bien à quel point il est important d’aller au-devant des candidats et d’agir bien en amont afin de pouvoir gagner de nouvelles recrues dans le secteur. Un besoin qui s’étend des entreprises aux formateurs. « Outre la formation, l’échange d’expertise entre les jeunes et les plus anciens est essentiel. Notre environnement de travail très sportif ne doit pas nous faire perdre de vue cette clé de voûte. » Franziska Meier, responsable de la formation à l’ASF et maître-fontainière assermentée
EXPERTISE Une question de temps Afin de renforcer cet impact, le secteur de l’approvisionnement doit élargir ses réseaux, comme le souligne la responsable de la formation de l’ASF. Malheureusement il manque souvent de de moyens pour cela : « Nos membres sont eux-mêmes occupés et font déjà face à une énorme charge de travail avec les formations qu’ils donnent en plus de leur fonction. » Franziska Meier souhaiterait ainsi encore plus d’initiative de la jeune génération afin de continuer à étendre les réseaux. « On est toujours tenu de se mettre à l’ouvrage et d’être pro-actif. » Le manque de personnel ne se fait pas uniquement ressentir dans les métiers artisanaux, comme le constate Lorenz Bützberger, mais aussi chez les conférenciers. C’est aussi une raison à la longue liste d’attente pour passer la formation de fontainier. « Nous souhaitons à proposer des formations tournées vers la pratique. Nous sommes donc organisés autour d’un système de milice et nos formateurs viennent des secteurs économiques et de l’industrie », souligne le responsable des formations en pointant le manque de moyens. Il est donc essentiel que les employeurs permettent à leurs employés de participer activement à ce système de formation en leur accordant le temps nécessaire. Près de 200 formateurs sont actuellement actifs dans les formations et les cours de la SSIGE, et cette tendance continue de se développer. « Nos intervenants spécialisés prennent parfois même sur leurs vacances afin de pouvoir enseigner chez nous. Pour développer nos offres, nous dépendons de la disponibilité de formateurs », explique Bützberger. Apprendre des personnes expérimentées Ainsi il devient essentiel de transmettre le savoir spécialisé du secteur entre les employés expérimentés et la nouvelle génération afin de le pérenniser. Franziska Meier est convaincue que les ‹ connaissances de base › sont un facteur clé pour le fonctionnement des petits fournisseurs, car les principes généraux de l’approvisionnement en eau n’ont pas beaucoup évolué au cours de ces dernières décennies : « La numérisation facilite de nombreuses tâches mais cache aussi certains risques. Toutes les données existantes doivent être traitées intelligemment. Et pour cela, il est nécessaire que les jeunes employés apprennent leur métier sur le terrain. Savoir comment réaliser l’approvisionnement en eau manuellement ainsi que comprendre les interactions entre les processus sont, des points qui représentent des connaissances nécessaires à l’approvisionnement. » Elle pointe le doigt sur le risque important de perdre au fil du temps ce type de connaissances pratiques ainsi que la sensibilité dont le personnel expérimenté dispose. Les directives W12 fournissent au secteur un bon outil structuré et documenté afin de satisfaire les obligations d’autocontrôle de la qualité de l’eau potable, clarifie Lorenz Bützberger – et souligne leur valeur en matière de transfert de savoir : « Elles documentent ainsi à la fois le savoir-faire et les bonnes pratiques en les mettant à disposition des générations suivantes. » Pour ce faire, la SSIGE propose différents outils logiciels qui assistent ce travail de documentation et peuvent s’avérer très utiles pour les petites communes souvent confrontées en partie au manque de documentation du savoir-faire du fontainier. 01| 2022 22 | 23
L’échange – une clé de voûte Transmettre les expériences entre les collègues expérimentés et la jeune génération aide considérablement au dialogue souligne la responsable des formations de l’ASF. Les collègues travaillant depuis plusieurs années voire plusieurs décennies accumulent un énorme savoir. Parmi ceux-ci se retrouve aussi les contacts directs avec la population du village, qui ne doivent pas être sous-estimés. Comme de nombreuses tâches récurrentes dans l’approvisionnement sont annuelles, il est préférable que les nouvelles recrues travaillent au moins pendant un an en parallèle avec des collègues expérimentés. C’est pourquoi l’ASF encourage particulièrement l’échange d’expertise au cours de ses formations, pointe Franziska Meier. « Il s’agit de développer une vision globale de l’ensemble des processus. La communication joue ici un rôle central. » Outre les nouveautés du secteur ainsi que les contenus à proprement pratiques sur place, leurs cours s’appliquent à montrer comment gérer les situations de stress tout en conservant une collaboration efficace. Lorenz Bützberger constate lui aussi de plus en plus, à quel point l’échange direct autour de sujets spécifiques du secteur joue un rôle important. Au cours de la pandémie de COVID, la SSIGE proposa l’ensemble de ses cours sous forme de visioconférences quand cela s’avérait nécessaire. Elle conservera certes le format en ligne pour certains sujets comme un cours de préparation pour les futurs fontainiers ou les futurs monteurs de réseaux en vue d’acquérir des compétences spécifiques. « Mais en dehors de cela, nous avons aussi constaté lors de cours pratiques sur place, que les participants portaient un intérêt tout particulier à l’échange de leurs connaissances et à développement des réseaux professionnels. Les formats en ligne déclenchent souvent des blocages dans ces domaines. » De plus les métiers plus artisanaux attirent moins que le secteur des nouvelles technologies. La SSIGE voit en outre une chance dans la communication pour ajuster au mieux son offre de formations aux exigences futures. « Afin de mieux développer notre offre en formation continue, nous dépendons de l’échange que nous entretenons avec nos membres. Ils représentent les entreprises et les communes et sont en mesure de déterminer au mieux les besoins du secteur afin de nous en faire part. » Cela permet de proposer au bon moment des sujets spécifiques aux différents corps de métiers. Une affaire d’endurance Tous ces points mettent clairement en évidence les nombreux défis qui attendent le secteur, cependant l’horizon s’éclaircit comme se réjouit Franziska Meier. Lors de son centenaire en 2003, l’approvisionnement dans lequel travaillait la responsable de formation, a mis en place de nombreuses actions afin de communiquer activement avec la population. « Un concept qui s’avère extrêmement durable, car même encore aujourd’hui, nous recevons des échos très positifs à ce sujet. On voit bien ici que toujours rester à l’esprit est la clé du succès. C’est vraiment une bonne chose et cela le restera toujours. » « Le défi est de proposer les bonnes offres au bon moment. C’est pourquoi il est important d’encourager le dialogue entre nos membres. » Lorenz Bützberger, ResponsabledelaformationchezlaSSIGE
RkJQdWJsaXNoZXIy NTkxNzY=