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01 | 2021 LE MAGAZINE CLIENTS DE RITTMEYER Vent trop peu favorable Le manque d’aide politique affecte l’expansion de la chaleur à distance Donner l’exemple Comment la ville de Saint-Gall progresse vers la transition énergétique Mieux planifier : la clé de la réussite La viabilité économique comme base de la prise de décision

ENTRE NOUS L’air de rien ? L’appel à une action déterminée ENTRE NOUS Voilà plus d’un an que la pandémie est venue bouleverser notre quotidien. Et revenir à ses habitudes l’air de rien est invraisemblable : voilà désormais une certitude. Le virus a changé la donne de nombreuses choses, nous a fait prendre conscience d’autres faits et pour finir, nous a obligé à agir. Une autre chose est tout aussi sure : nous croyons en Suisse avoir posé les premières pierres de nos décisions politico-énergétiques et climatiques en modifiant la loi sur l’énergie quatre ans auparavant. D’ici 2030 nous attendons la réduction de 50 pourcent des émissions de gaz à e�et de serre par rapport à la valeur de 1990. Dans le même temps nous visons le zéro net d’ici 2050. Alors que nous avons déjà parcouru les trois quarts de cette période, nous arrivons même pas aux 15 pourcent. Les combats qui restent à mener dans les neuf années à venir sont colossaux : eux aussi ne se gagneront pas simplement, comme cela, l’air de rien. Une action déterminée s’impose ici clairement. La mise à disposition de la chaleur couvre à peine 40 pourcent de la consommation totale. 40 pourcent ! Qui plus est nous en couvrons plus des trois quarts avec des énergies fossiles importées. Cela ne répond pas vraiment à nos objectifs climatiques. Une idée pour y répondre consiste en l’expansion des réseaux de chaleur à distance auxquels nous consacrons cette édition de notre magazine ‹ transfer ›. Tout juste 9 pourcent de l’approvisionnement thermique est pris en charge aujourd’hui par la chaleur à distance. Et 40 pourcent sont attendus d’ici 2050. Il reste donc encore beaucoup de chemin à parcourir, surtout quand nous voyons les obstacles auxquels les regroupements doivent faire face, sans oublier en outre le temps perdu. Dr Urs Rhyner, Directeur de la société Energie Ausserschwyz AG, qui construit actuellement le plus grand projet énergétique de la région, partage avec nous ses impressions à partir de la page 6. Il nous montre aussi où l’engagement politique de la confédération et des cantons serait le bienvenu afin de mieux franchir de tels obstacles. Lors de notre entretien, Marco Letta, Directeur des régies de Saint-Gall, souligne de son côté l’importance d’une planification à long terme, d’une coopération au-delà des frontières et de la mise en œuvre systématique des projets de chaleur à distance (à partir de la page 10). En discutant avec Prof. Joachim Ködel de l’Université de Lucerne, nous avons pris conscience à quel point il était essentiel de bien choisir les technologies et systèmes utilisés afin de garantir la rentabilité de l’o�re en chaleur à distance (à partir de la page 18). Dans ce contexte, il est intéressant de découvrir les expériences des régies de Pfä�kon, qui sont un regroupement transversal depuis 01| 2021 2 | 3

plus de 20 ans et exploitent trois regroupements complètement di�érents. Retrouvez les réponses de Dumeng Tönett et Stefan Russer à partir de la page 25. Pour résumer : nos clientes et clients réfléchissent à la convergence de leurs réseaux. Au travers des regroupements ils cherchent comment optimiser les bilans énergétiques et les ressources de manière globale. Ils doivent en outre faire face à l’expansion et l’exploitation d’une infrastructure de plus en plus complexe. ‹ L’Internet-of-Things › a depuis longtemps atteint un niveau professionnel, sans parler des problèmes liés à la cybersécurité. Décarbonisation de l’approvisionnement énergétique, protection systématique de l’environnement, approvisionnement et élimination durables exigent des innovations. Beaucoup plus et bien plus vite que jusqu’à présent. Nous et nos organisations, nous nous y préparons : nos produits et nos services le prouvent. Nous vous accompagnons aussi sur cette voie. Aussi dans le secteur de la chaleur à distance nous sommes prêts. Ensemble, aussi bien avec notre entreprise a�liée du groupe, la société BRUGG Pipes, que dans le cadre de notre joint de venture avec la société autrichienne aqotec GmbH. Notre objectif : vous faire avancer l’air de rien vers les énergies de demain. Contactez-nous. Avec tous mes remerciements, Votre Andreas Borer, CEO, Rittmeyer AG

18 10 16 21 25 22 SOMMAIRE Mentions légales transfer est le magazine clients bisannuel de Rittmeyer AG. Éditeur Rittmeyer AG Une société du BRUGG GROUP Inwilerriedstrasse 57, CH - 6341 Baar www.rittmeyer.com Directeur de publication Andreas Borer Rédaction et mise en page up! consulting ag, Ruggell (FL) Email à la rédaction transfer@rittmeyer.com Crédit photo Rittmeyer AG, iStock (Tera Vector: S. 1 | epic_fail: S. 5 | pakorn sungkapukdee: S. 18–21 | armckw: S. 4, 9, 22 | elenabs: S. 22 | Weenee: S. 24); Albinfo, CC BY-SA 3.0: (S. 4, 10–11); Roland zh, CC BY-SA 3.0 (S. 4, 25); Energie Ausserschwyz AG (S. 7, 9); Martin Steiger, CC BY-SA 4.0 (S. 12–15); Daniel Ammann (S. 13); BRUGG Pipes (S. 16–17); aqotec GmbH (S. 23); Gemeindewerke Pfäffikon ZH (S. 26–27); privat z.V. g. Date de parution Mai 2021 Mauvaise adresse ? Veuillez nous informer si votre adresse a changé : www.rittmeyer.com/adresse Les points de vue et les avis de tierces personnes qui sont publiés dans le cadre des articles, ne correspondent pas forcément avec les points de vue et avis de Rittmeyer AG. EXPERTISE & ENTRETIEN APPLICATION PRODUIT & ACTUALITÉS EN BREF Agir plutôt qu’attendre La ‹ transition climatique › se dessine plus nettement « Réfléchir, puis agir » – Les chemins vers la chaleur à distance Berlin : Traversée de routes et de ponts par un câble de chaleur à distance Course d’obstacles : construire un réseau de chaleur à distance ‹ à partir de rien › Lumière et électricité pour la centrale thermique d’Aubrugg Plus forts ensemble : le regroupement énergétique ouvre les voies de la réussite Tous réunis sous le même toit : entre synergies, potentiels – et conflits Feusisberg Freienbach Pfäffikon Altendorf Centre énergétique Bodenwies Galgenen Siebnen Buttikon Reichenburg Schübelbach Tuggen Lachen 1ère étape Conduites principales 2021–2025 2ème étape Pas avant 2025 3ème étape Pas avant 2030 6 01| 2021 4 5 |

Expansion de la chaleur à distance En Suisse, Autriche et Allemagne EN BREF À côté de l’électricité et de la mobilité, la chaleur couvre environ 40 % de la consommation énergétique d’un pays. Notamment en matière d’énergie thermique, la chaleur à distance peut jouer un rôle significatif en vue de réduire les émissions en CO2. La part des énergies renouvelables lors de la production thermique ainsi que l’usage énergétique optimal des combustibles notamment grâce au couplage électrothermique, sont ici décisifs. Sources : Office fédéral de l’énergie (OFEN), Office autrichien du gaz et de la chaleur (FGW), Office statistique autrichien, Destatis, Euroheat & Power 37% 48% 7% 8% 26% 25% 38% 11% 47% 7% 14% 29% 3% Chaleur distante produite par support énergétique Total : 8TWh Total : 23TWh Suisse Autriche 2018 2018 Allemagne Gaz naturel Fioul et charbon (CH : Fioul et énergie résiduelle des centrales thermiques) Déchets combustibles Autres Energies renouvelables Total : 161TWh 2017 En 2017, la chaleur à distance couvrait 14% des besoins énergétiques. Cela correspond à 9% des besoins thermiques en 2018. Cela correspond à 9% des besoins thermiques en 2017. Longueur du réseau de chaleur à distance en km Longueur du réseau de chaleur à distance en km / 1 000 habitants CH 2017 AT 2019 DE 2019 5 600 21 482 3 500 CH 2017 AT 2019 DE 2019 0,41 0,63 0,26

APPLICATION La société Energie Ausserschwyz AG (EASZ) construit actuellement le plus grand projet énergétique de la région : à compter de 2022, une centrale thermique à bois vient compléter la centrale de biogaz et alimenter en chaleur à distance les régions Höfe et March du canton de Schwyz. La planification ambitieuse se trouve en bonne voie, une chose qui est loin d’être une évidence comme nous confie le Directeur du secteur Dr Urs Rhyner. Depuis près de 20 ans, la famille Züger exploite une centrale de biogaz et produit de l’électricité à partir de biomasse issue de son exploitation agricole à Galgenen. La chaleur résiduelle sert à alimenter les bâtiments voisins en chaleur. L’idée de développer une centrale thermique pour un regroupement de chaleur à distance régional prit naissance dès 2008. Onze ans plus tard, la construction de la centrale thermique à bois fut autorisée pour brûler des bois usagés, résiduels et forestiers régionaux. « Afin de réaliser un tel projet en Suisse, cela demande beaucoup de temps, en fait trop de temps », résume Urs Rhyner qui dirige la société depuis un an. Nous avons besoin de zones constructibles, d’autorisations et d’un financement, le tout prenant très vite des proportions considérables. Le plus grand défi : obtenir les autorisations Les plus grands obstacles pour la construction se concentrent autour des autorisations nécessaires selon le directeur. Il faut notamment investir des sommes à sept chi�res dans des projets préalables pour arriver à passer toutes les instances décisionnelles. Les oppositions au projet de construction doivent être traitées, ce qui coûte du temps et des frais d’avocats. Les surfaces doivent être délimitées et les rapports concernant l’incidence sur l’environnement rédigés. « On y passe vraiment beaucoup de temps », souligne Rhyner. Cela exige Construire un réseau de chaleur à distance ‹ à partir de rien › APPLICATION 01| 2021 6 | 7 transfer

de la persévérance et surtout la capacité à investir de grosses sommes sans connaître l’issue du processus. L’éternel problème « de l’œuf et de la poule », comme il le nomme. Les ressources financières ne sont en e�et accordées que lorsque l’issue est celée dans un contrat. « Voilà pour ce qui est de la théorie, mais cela n’a rien de praticable », explique Rhyner. Ce point empêche à ses yeux, le développement des regroupements thermiques en Suisse. « Des réglementations coupe-gorge. » Les réseaux de chaleur à distance comme technologie clés Quand il est question de convergence des réseaux, la chaleur à distance fait clairement partie des technologies clés pour les énergies de demain. Afin de profiter au mieux du biogaz ou de l’eau, il est nécessaire de se servir des grandes quantités de chaleur résiduelle, souligne Rhyner. « La condition de base est l’existence de réseaux de chaleur à distance. » De ce point de vue, il voit le rôle de la confédération essentiel afin de réaliser plus de projets dans ce sens. Pour Rhyner, c’est une chance de pouvoir partager les risques. Le modèle d’un partenariat public-privé serait à ses yeux une solution possible (angl. Public-Private-Partnership). Par exemple, la confédération prendrait en charge un tiers du montant sous forme d’une garantie simple ou tout risque, un autre tiers serait pris en charge par une banque ou des investisseurs, et le tiers restant par l’exploitant grâce à des actions. Des partenaires stratégiques L’EASZ a trouvé en la société EW Höfe AG un partenaire important pour l’accompagner. Ce dernier vit ici une chance pour accéder au marché thermique régional à base d’énergies neutres en CO2 et proposer ainsi une alternative aux énergies fossiles. Dans le même temps, le groupe BRUGG Group AG rejoignit le projet comme partenaire industriel stratégique, et Rhyner trouva en outre une grande banque suisse comme partenaire financier. « Cela met nos clients encore plus en confiance », dit Rhyner. Grâce au financement, il peut alors faire progresser le projet ambitieux à vive allure. Pendant ce temps, la centrale thermique gagne rapidement en hauteur. « Une chose qui aide aussi », plaisante Rhyner. « La population prend conscience que quelque chose de grand et de sérieux voit le jour. L’approvisionnement de la région en chaleur à distance se concrétise. » Des clients enthousiastes Le projet connaît un grand soutien au sein de la population et le nombre de branchements en chaleur à distance renouvelable gagne en importance. La chaleur à distance se révèle un système thermique confortable pour les propriétaires fonciers. Elle ne demande ni achat de combustibles ni espace de stockage ni entretien. Elle est en outre très peu encombrante : seul un boîter avec l’échangeur thermique est nécessaire. « Il n’y a rien de plus simple, et qui plus est, de renouvelable », argumente Rhyner. « Seule une chose compte : construire, construire, construire. Lorsque l’on attend l’arrivée sure des raccordements, alors on ne construit jamais. » Dr Urs Rhyner, Directeur de la société Energie Ausserschwyz AG →

Bäch Wollerau Schindellegi Feusisberg Wilen Freienbach Pfäffikon Altendorf Lachen sberg eienbach Pfäffikon Altendorf Centre énergétique Bodenwies Galgenen Siebnen Buttik Schübelbach T Lachen 1ère étape Conduites principales 2021–2025 2ème étape Pas avant 2025 3ème étape Pas avant 2030 ‹ Booster › la chaleur à distance Lorsque les propriétaires passent du chau�age au fioul ou au gaz à la chaleur à distance, il perçoivent des subventions du canton Schwyz grâce auxquelles ils réduisent les coûts initiaux, comme le souligne Rhyner. Les communes sont aussi mises à contribution afin de lancer et de soutenir de tels projets. Ses expériences restent cependant quelque peu ambivalentes : « Croire en la reconnaissance des communes face à l’apport par un investisseur privé de nouvelles infrastructures dont elles-mêmes et les citoyens profiteraient, revient à se bercer de douces illusions. » Il considère que la mise en application de la loi sur le CO2 fera sauter les MoPec cantonales ( Modèles de prescriptions énergétiques des cantons). Le canton de Schwyz ne s’est contenté que de mettre en œuvre l’absolu minimum. Pour lui, tout cela prend beaucoup trop de temps : « Le potentiel est immense et la technologie existe déjà. Elle est simple, éprouvée et économique. Il su�t juste de la mettre en œuvre », rappelle Rhyner. EASZ est spécial Nombreux regroupements de chaleur à distance commencent petit en démarrant par l’école ou la salle communale, puis raccordent successivement les quartiers, les uns après les autres. Ils grandissent ainsi très progressivement et de manière organisée. Il en est tout autre chez EASZ : on définit ici dès le départ une grande zone pour raccorder toute sa superficie. La société Agro Energie Schwyz AG servit ici de modèle. Cette dernière construisit aussi en premier, et la construction entraîna les raccordements. « Seule un chose compte : construire, construire, construire. Lorsque l’on attend l’arrivée des raccordements, alors on ne construit jamais », pointe Urs Rhyner. Pour cela, il est essentiel de communiquer les objectifs très en amont. Les propriétaires se projettent alors, notamment lorsqu’ils prévoient de remplacer le chau�age. L’EASZ budgéta 300 millions de francs suisses et le réseau est prévu sur 24 ans. Ce budget regroupe le raccordement des quartiers, la centrale électrique ainsi qu’une deuxième centrale afin de faire face à une croissance rapide des raccordements. Le réseau à lui seul couvre la moitié des coûts. 3 000 consommateurs ont été prévus lors de la première étape, ce qui correspond à une densité de raccordement d’environ soixante pourcent. « Cela est convenable, nous en sommes convaincus », La première étape de raccordement (vert clair) du réseau de chaleur à distance regroupe les villages Siebnen, Galgenen, Lachen, Altendorf, Pfäffikon et Freienbach. La vision est que le réseau soit étendu aux communes de Schübelbach, Buttikon, Tuggen, Wilen et de Wollerau (vert foncé) dans les prochaines années ainsi que celles de Schindellegi, Feusisberg et de Reichenburg (bleu clair). APPLICATION 8 | 9 01| 2021 transfer

Centre énergétique Bodenwies Galgenen Siebnen Buttikon Reichenburg Schübelbach Tuggen n a�rme Rhyner en se souvenant de la société Agro Energie Schwyz. Celle-ci raccorda en l’espace de 10 ans, plus de 50 pourcent des bâtiments à la chaleur à distance. Une vision palpable Lorsque l’on demande à Urs Rhyner quels sont ses prochains projets, il nous parle de la vision de l’EASZ et des étapes deux et trois concernant l’élargissement. Ces dernières prévoient l’approvisionnement thermique de 14 villages de la région du canton de Schwitz et autour du centre énergétique de Galgenien, soit une superficie de près de 100 kilomètres carrés. « Dès que les émissions en CO2 par mètre carré de surface énergétique seront limitées dans le cadre de la protection climatique, on ne pourra réaliser cette réduction qu’à l’aide d’énergies renouvelables », souligne Rhyner convaincu. Le raccordement à la chaleur à distance d’un secteur encore plus grand se profile rapidement chez EASZ. La centrale thermique de la société Energie Ausserschwyz à Galgenen gagne rapidement en hauteur. Elle produit de la chaleur et du courant à partir d’une centrale thermique à bois et d’une installation de biogaz. « La technologie est simple, éprouvée et économique. Il suffit de la mettre en œuvre. »

ENTRETIEN La ‹ transition énergétique › est en marche Agir, au lieu d’attendre ENTRETIEN 01| 2021 transfer 10 | 11

« En 2050, Saint-Gall mise sur un chauffage des bâtiments exempt de tout combustible fossile. » Marco Letta, Directeur des régies de Saint-Gall Depuis le milieu des années 80, la ville de Saint-Gall mise sur la chaleur à distance et ne cesse d’élargir ses réseaux. En 2017, 85 pourcent de la population opte pour une extension du réseaux pour un montant de 65,5 millions de francs suisses. Lors de notre entretien, Marco Letta, Directeur des régies de Saint-Gall, nous raconte la réussite et l’avenir de la chaleur à distance à Saint-Gall. Il nous parle aussi de l’aide qu’il attend encore des politiques. →

ENTRETIEN Monsieur Letta, Saint-Gall s’est penché très tôt sur un approvisionnement thermique d’avenir. De quoi s’agit-il exactement ? Entre le concept énergétique 2050 de la ville de Saint-Gall et la stratégie énergétique de la confédération, il existe une différence essentielle. Notre concept énergétique couvre les trois réseaux, soit l’électricité, la chaleur et le gaz, et place le couplage des secteurs au cœur de ce dernier. Nous visons l’approvisionnement de tout le fond de la vallée de Saint-Gall en chaleur à distance. La Sittertobel à l’ouest est une vraie barrière géographique qui délimite la ville, et nous oblige à réaliser un réseau énergétique séparé à l’ouest de la Tobel. À plus de 700m d’altitude, dans les collines, nous produirons de la chaleur à partir de centrales de cogénération et développerons les réseaux de chaleur locaux. Les centrales de cogénération qui produisent en outre de l’électricité, sont raccordées au réseau du gaz. Ce dernier fonctionne encore avec du gaz naturel mais à terme, il s’appuiera sur du biogaz et du gaz synthétique. Dans les autres secteurs, l’extension prévoit un chauffage par pompes à chaleur. À quels défis Saint-Gall doit-elle faire face ? Les problèmes viennent notamment de la topographie. L’usine d’incinération des déchets se situe à environ 580m d’altitude, soit très basse. C’est pourquoi, afin d’approvisionner les clients en chaleur, nous devons dans un premier temps remonter la chaleur en la pompant vers la ville, ce qui demande déjà certains efforts. Les centrales thermiques de Waldau et Olma couvrent actuellement les pics de consommation des mois hivernaux. Suite au référendum de 2017 sur l’extension 2 qui a été largement approuvé par la population, nous allons désormais raccorder l’est de la ville en passant par le nord de la vallée, et raccorder ainsi le centre de la ville en passant par la vallée sud. Nous terminerons donc la boucle actuellement encore ouverte. Quel est votre objectif final ? Nous souhaitons en 2050 fournir près de 50 pourcent des bâtiments chauffés en chaleur à distance, soit près de 5 500 biens fonciers. Les centrales de cogénération approvisionnent près de 2 200 bâtiments répartis en regroupements thermiques et 2 300 autres sont chauffés par la géothermie. Seuls les exploitations agricoles situées à plus de 1 000m d’altitude exigent des solutions individuelles et chauffent par exemple avec des plaquettes de bois ou du biogaz liquide. Notre objectif est qu’il n’y ai plus une seule goutte de combustibles fossiles dans la production thermique. Si on prend en compte les centrales de cogénération des réseaux locaux, votre plan parviendrait à raccorder plus des trois quarts des bâtiments au réseau de chaleur à distance. Comment est-ce réalisable ? Comment convaincre les clients de vous suivre ? En fait, il s’agit ici d’une tâche plutôt agréable. La plupart des propriétaires fonciers souhaitent se raccorder à la chaleur à distance. Nous ne forçons personne. Lorsqu’ils décident de passer au réseau de chaleur à distance, ils obtiennent une subvention sur 15 ans grâce à laquelle ils ne paient que la chaleur consommée. Nous surveillons notre réseau 24/24H et les clients n’ont plus besoin de s’occuper ni de l’eau chaude ni du chau�age dans les bâtiments. Fini l’approvisionnement en combustibles, finis les entretiens, ils n’ont tout simplement plus rien à faire. L’essentiel ici est un plan de mise en œuvre clairement défini et transparent. Lorsque l’on construit un réseau de chaleur à distance, on ne le réalise pas du jour au lendemain. Il faut définir l’objectif final puis progresser étape par étape. On obtient ainsi la transparence nécessaire à l’adhésion de la population. Par exemple, nous avons intégré tous les processus de transformation requis pour mettre en œuvre le concept énergétique 2050 dans notre système d’informations dédié aux bâtiments. Les clients peuvent se rendre sur notre site Web, entrer leur bien foncier et savoir rapidement les plans d’extension prévus concrètement jusqu’en 2035. Ce cadastre ouvert au public sert de prérequis au premier conseil de nos clients. Au final, nous souhaitons réaliser la transition énergétique à Saint-Gall sur la base d’un consensus. Malheureusement dans notre pays il manque encore les cadres, soit une loi sur l’approvisionnement en gaz qui s’étendrait à tous les secteurs et aiderait la transition énergétique. De plus nous ne savons pas où se positionnent respectivement la confédération et le canton. C’est pourquoi nous avons décidé de ne plus attendre et de prendre les choses en main 01| 2021 12 | 13

afin de mettre en œuvre le concept énergétique 2050. La population de Saint-Gall avait déjà été informée de ce concept 13 ans auparavant et sensibilisée aux chances offertes par l’élargissement de l’approvisionnement par chaleur à distance. Voilà aussi la raison de la ratification des différents référendums ; sans oublier la mise en œuvre qui suivit les explications. Depuis des années, nous réalisons de manière cohérente la planification en procédant étape par étape. Bien sûr, nous devons continuer à activement informer et conseiller. Cela passe par notre système d’informations dédié aux bâtiments, le conseil énergétique et la vente des raccordements. Notre conseil s’harmonise complètement avec les objectifs du concept énergétique. Nous conseillons nos clients de manière globale. Cela implique que nous discutons avec eux des installations photovoltaïques, des stations de chargement électrique et des accumulateurs d’énergie. La réalisation passe cependant par les industries locales. Cela assure l’excellente qualité de l’installation des systèmes énergétiques. Nous procédons de même avec les installations exploitées par les régies de Saint-Gall dans le cadre de contrats énergétiques. Toutefois, afin de garantir un approvisionnement fiable pendant la durée du contrat, nous définissons clairement les composants à installer et limitons le nombre de variantes de systèmes dans le réseau de chauffage. « Le concept énergétique 2050 de la ville Saint-Gall se donne comme objectif d’atteindre à terme zéro net d’émission. Nous n’attendons pas les décisions de la confédération et du canton, nous le mettons systématiquement en œuvre. » Marco Letta, Directeur des régies de Saint-Gall →

ENTRETIEN Saint-Gall dispose de bonnes conditions pour continuer à développer la transition énergétique. Même sans l’aide de la confédération ? C’est vrai pour Saint-Gall aujourd’hui. Néanmoins : en 2019 en Suisse, près de 1,7 millions de bâtiments et près de 50 pourcent d’entre eux chau�aient encore avec du fioul. On est loin du zéro net d’émission. De ce point de vue, nous avons quelques attentes de la confédération afin de développer les réseaux de chaleur à distance. Une d’entre-elle concerne notamment la situation géographique de la ville Saint-Gall. Si dans des zones géographiques plus chaudes, il est possible de réaliser un réseau de chaleur à distance sans le besoin de centrales de chaleur fonctionnant au gaz, ici ce n’est pas le cas. Nous avons souvent de longues périodes où les températures sont bien en-dessous de zéro. Pour y faire face, même une usine d’incinération deux fois plus grande ne serait pas su�sante. C’est pourquoi nous devons aussi considérer le réseau de gaz comme une partie intégrante de l’approvisionnement en chaleur. Nous ne pouvons pas simplement l’ignorer comme c’est le cas dans la stratégie énergétique proposée par la confédération. En considérant l’augmentation de la population et une consommation énergétique croissante, nous ne parviendrons sans doute pas à un approvisionnement électrique uniquement basé sur des énergies renouvelables. Et ce, même si toute l’eau dont nous disposons était utilisée pour la production hydroélectrique. Afin d’atteindre nos objectifs énergétiques, nous devons nous devons associer intelligemment les di�érentes sources d’énergie. Nous devons coordonner les consommateurs, les producteurs et ceux qui occupent les deux rôles dans notre système de centrales éléctriques : chose dont les politiques de la confédération doivent aussi avoir conscience. Comment projeter ceci dans un approvisionnement énergétique fédéral ? Les fournisseurs énergétiques d’une petite commune rencontrent ici de plus grandes difficultés. Je vous l’accorde. Nous parlons ici de décentralisation et de réseaux intelligents. En tant que fournisseur d’énergie, vous avez besoin d’un haut niveau d’expertise en informatique et en technologies de l’information pour gérer tout cela. Il en va de même de la numérisation exigée où les petits fournisseurs sont vite dépassés. Ceux ci doivent prendre conscience qu’ils ne seront guère en mesure de fonctionner économiquement à l’avenir en tant que pur gestionnaire de réseau de distribution. Voici les défis auxquels ils doivent faire face. Seule une fusion peut les aider ? En e�et, cette dernière représente un modèle possible. Mais on pourrait aussi créer des sociétés d’exploitation regroupant di�érents petits réseaux dans lesquelles les municipalités participeraient avec des parts correspondantes. De cette manière, la structure de propriété de droit public serait préservée. Les fournisseurs atteignent ainsi la propriété publique. Le réseau énergétique ‹ GSG › est un tel projet transversal. Comment cela est-ce possible ? Entre la frontière ouest de Saint-Gall et la partie est de la ville de Gossau se situe une importante zone industrielle. Di�érentes études se sont penchées sur l’approvisionnement thermique réalisable ici. La source thermique traditionnelle de l’usine d’incinération se trouve bien trop loin et la zone in- « La transition énergétique est uniquement possible lorsqu’elle part d’une vision, suit des objectifs concrets et les met en œuvre de manière cohérente. Il ne s’agit pas ici d’un sprint mais plutôt d’un ultra marathon. » 01| 2021 14 15 |

dustrielle et commerciale ainsi que les lotissements frontaliers sont de gros consommateurs énergétiques. Dans le même temps, cette zone dispose elle-même d’un important potentiel de chaleur résiduelle. L’une de ces études a conclu qu’il serait possible de construire l’un des plus grands réseaux d’énergie en Suisse. La di�culté ici était avant tout politique car cette zone est coupée au milieu par la frontière entre les villes de Saint-Gall et de Gossau. et les fournisseurs énergétiques se situent des deux côtés. Les régies de Saint-Gall se sont réunies avec celle de Gossau et la régie SAK (St.Gallisch-Appenzellische Kraftwerke AG) afin de mettre en place un Business Plan. Après plusieurs tentatives, les représentants politiques ont fini par se laisser convaincre par le projet et les communes de Saint-Gall, Gossau et Gaiserwal fondèrent en 2018 avec la SAK AG, le réseau énergétique GSG AG. En seulement une année, nous avons créé le noyau de base grâce au budget disponible et commencé à exploiter le réseau anergique : soit deux fois plus vite que prévu. Une extension est déjà planifiée. En résumé´: d’après vous quelle est la clé du succès pour développer ailleurs un réseau de chaleur à distance comme à Saint-Gall ? La Suisse compte déjà de nombreux réseaux de chaleur à distance qui se sont construits sur le même modèle que celui de Saint-Gall, et d’autres suivront. La mise en œuvre du couplage des réseaux de l’électricité, du gaz et de la chaleur ne se retrouve cependant souvent que sur le papier. Nous devons rassembler les di�érents systèmes énergétiques et profiter ainsi des flexibilités existantes localement. La deuxième chose est que la transition énergétique et les défis qui y sont associés ne peuvent être résolus seuls. Si nous souhaitons décarboniser l’approvisionnement énergétique d’ici 2050, nous devons mieux collaborer aux niveaux politico-économiques. Je pense ici à un système global couvrant toute la Suisse et couplant les secteurs. Cette voie est certainement semée d’embûches. Et troisièmement : la transition énergétique est uniquement possible lorsqu’elle part d’une vision, suit des objectifs concrets et les met en œuvre de manière cohérente. Il ne s’agit pas ici d’un sprint de 100 mètres mais plutôt d’un ultra marathon. Et si la confédération et les communes optent pour ce dernier, il est indispensable qu’ils partent et arrivent ensemble. C’est au bout du compte ce que nous avons fait à Saint-Gall avec le concept énergétique 2050 et sa mise en place dans un petit cadre. Nous sommes en bonne voie pour atteindre notre ligne d’objéctifs mais nous aurons besoin d’endurance et de persévérance. Monsieur Letta, merci beaucoup pour cet entretien. L’idée : un réseau anergique Un réseau anergique s’appuie sur les ‹ formes énergétiques de moindre valeur › comme la chaleur industrielle résiduelle, les eaux usées, l’environnement, les lacs ou encore les cours d’eau. On parle souvent d’un ‹ réseau thermique froid › car il est exploité à basse température. Les participants au réseau profitent les uns des autres : les uns injectent leur surplus de chaleur par exemple issu d’un refroidissement ou tout autre processus industriel. Les autres utilisent la chaleur résiduelle grâce à une pompe à chaleur afin de chauffer ou de climatiser. Dans les réservoirs géothermiques en option, il est possible d’accumuler la chaleur en été et de la récupérer en hiver. De même, on récupère le froid en été qui a été accumulé en hiver. Dans l’idéal, l’injection et la prise se compensent tout au long de l’année. L’objectif de ce type de réseaux est d’optimiser l’efficacité énergétique de tous les participants et de réduire ainsi la part des énergies fossiles utilisées.

EXPERTISE La société BTB GmbH est un des plus grands exploitants de chaleur à distance sur la région berlinoise. Le raccordement d’un lotissement du quartier Köllnischen Vorstadt exige de traverser un axe routier hautement fréquenté ainsi que deux ponts. BRUGG Pipes a utilisé le forage au jet afin de placer son câble Flexwell de chaleur à distance. TRAVERSÉE REUSSIE EXPERTISE Berlin : Traversée de routes et de ponts par un câble de chaleur à distance 01| 2021 16 | 17 transfer

Fondée en 1990, la société BTB s’est spécialisée depuis longtemps dans la production de chaleur et d’électricité en couplant la puissance à la chaleur. Au travers de son réseau, elle approvisionne près de 80 000 habitations, bureaux et commerces, industries et administrations en chaleur, électricité, froid et vapeur. Les trois centrales thermiques modernes couvrant une puissance thermique totale de près de 380MW alimentent les réseaux de chaleur à distance du regroupement s’étendant sur 140 km. Un parcours semé d’embûches Afin d’alimenter les lotissements de Köpenick-Nord en chaleur à distance, il a fallu franchir une distance de près de 500 mètres. Pour cela, le tracé devait longer un axe routier principal de le quartier berlinois de Köpenick. « Nous avons du faire face à trois sections critiques », se souvient Mario LeClair, Chef Monteur chez BRUGG Rohrsysteme GmbH. On a du passer l’axe très fréquenté Glienicker Weg sans couper la circulation. En outre, le passage sous deux ponts ferroviaires a été soumis à des réglementations très strictes de la Deutsche Bahn. On a donc décidé de séparer le chantier en cinq sections de construction. Le forage par jet a permis de réaliser trois des distances requises, les deux autres ont été construites dans des tranchées ouvertes. On a placé ainsi le plus grand câble de chaleur à distance de BRUGG Pipes, soit le type 200/310 avec un diamètre nominal de 150mm et un diamètre extérieur de 313 mm. Installation des conduites sans fossé La plus grande section qui a été construite à Köpenick en une fois mesure 188 mètres. 150 mètres ont été réalisés grâce à un forage souterrain par jet horizontal (angl. ‹ Horizontal Directional Drilling ›, HDD). Pour ce faire, on utilise une lance à commande tridimensionnelle composée de sections en acier pliable qui est poussée au travers du sous-sol. Une suspension écologique neutre transporte le sol vers les puits de départ et d’arrivée. Dans le puit d’arrivée, on monte une tête d’extension (angl. ‹ Reamer ›) correspondant au diamètre du câble de chaleur à distance à la lance de forage. « Au retour, on élargit le forage avec du Bentonit tout en tirant le câble de chaleur à distance Flexwell », explique Mario LeClair. En un seul tenant. Et rapidement. « L’avantage de Flexwell est qu’on s’en sert comme d’un câble et qu’il est livré puis monté en un tenant d’une longueur de 235 mètres », raconte Ingolf Demant, responsable commercial régional chez BRUGG Rohrsysteme. Il convient en outre parfaitement au forage horizontal : grâce à son enveloppe extérieure lisse et continue, il se tire directement dans le canal de forage. En plus il se pose rapidement : finies les jonctions soudées tous les 6 ou 12 mètres comme c’est le cas sur les conduites à enveloppe flexible. Il en va de même pour le rembourrage des coudes afin de compenser l’allongement thermique. Le câble de chaleur à distance BRUGG s’autocompense. La construction du nouveau tracé a durée seulement six semaines. La capacité totale de l’alimentation est d’environ 10 mégawatts. Martin Loske, chef de projet et de chantier chez BTB Berlin s’en réjouit : « Nous avons pu raccorder le lotissement en un temps record et fournirons ainsi 870 habitations en chaleur à distance à faible émission en CO2. » Découvrez la vidéo de l'installation : youtu.be/GebdJ5SeifU

ENTRETIEN « Réfléchir avant d’agir » – Les chemins vers la chaleur à distance ENTRETIEN 18 19 | 01| 2021

Monsieur Prof. Ködel, quels sont vos centres d’intérêts dans le cadre de votre activité à l’Université HSLU ? En tant que professeur, j’enseigne les technologies des bâtiments aux étudiants dans le cadre du module Industrie durable et chaleur à distance. Je dirige en outre le programme « Réseaux thermiques » que nous proposons en accord avec l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Dans le cadre de ce programme, nous avons développé des critères de décision qui interviennent dans la construction et la manipulation des réseaux thermiques en s’appuyant sur les aspects écologiques et économiques. Cela permettra à l’avenir de rendre des décisions plus systématiques dans le secteur de l’approvisionnement thermique. Pourquoi de tels critères décisionnels sont-ils importants ? En fait, nous devons bien comprendre que derrière le côté économique se cache la rentabilité et non une mode actuelle ou le plébiscite de l’opinion publique. Cette question accompagne l’approvisionnement énergétique dans son ensemble. Est-ce rentable ou bien les avantages ne sont-ils qu’énergétiques ? Les organes décisionnels manquent ici souvent d’expertise. C’est pourquoi ils ne suivent pas l’argumentation économique mais privilégient une solution qui leur parle plus. Prof. Joachim Ködel enseigne le transfert d'énergie thermique et se charge du programme Réseaux thermiques à l’Institut des technologies du bâtiment et de l’énergie IGE de l’Université de Lucerne (HSLU). Nous avons discuté des bases requises pour la prise de décisions lors de la construction des réseaux thermiques ainsi que des défis futurs à relever par la chaleur à distance. Au cœur de la prise de décision et des défis lancés par le secteur → « La rentabilité d’un approvisionnement par chaleur à distance est le critère le plus important. Mais il reste trop souvent en arrière-plan. » Prof. Joachim Ködel, Professeur à l’Institut pour les technologies des bâtiments et de l’énergie IGE à l’Université de Lucerne

ENTRETIEN | ACTUALITÉS Un point surprenant. Nous aurions tendance à penser que de telles décisions s’appuient sur des analyses et des expertises approfondies ? Je pense aussi que cela serait préférable. Mais dans de nombreux cas, les choses sont différentes et cela est bien dommage. Il n’est pas seulement question des sommes importantes investies, mais aussi de la portée de telles décisions : un système décidé n’est normalement plus remis en cause et il est quasiment impossible de revenir en arrière. Quelles sont les tendances qui jouent un rôle ou se trouvent actuellement au premier plan ? La stratégie énergétique 2050 et la décarbonisation portent les réseaux anergiques au premier plan. Cette notion s’est établie dans le cadre de l’utilisation de chaleur écologique ou résiduelle à basse température. Lorsque les conditions à cette fin sont réunies, ils représentent une bonne solution. Cependant nous devons avoir conscience que nous avons besoin d’une grande quantité d’eau dans le circuit avec de telles basses températures. Cela signifie que nous devons construire des réseaux relativement importants afin au final, de ne transporter qu’une quantité d’énergie relativement faible par rapport à la chaleur à distance. Ce type de construction n’est pertinent que lorsque les conditions locales sont adaptées et que l’on peut utiliser les basses températures à proximité. Pour simplifier, on peut dire que l’eau d’un lac est une source énergétique formidable lorsque le lac est à proximité. Cependant s’il faut d’abord pomper l’eau pour passer la montagne, on peut se poser la question de l’utilité. Sur quoi les décideurs devraient-ils plutôt se concentrer ? Dans un premier temps, il serait bon d’avoir une analyse précise de la situation locale et seulement par la suite, d’opter pour une solution. Et non vice versa. Il est très probable que l’on constate vite que certaines régions ne sont pas si idéales que cela pour réaliser un approvisionnement thermique central. Ou encore si une usine d’incinération des déchets se trouve à proximité, il est sans doute préférable de mettre en place un approvisionnement thermique classique avec de la chaleur à distance – et ce même si par hasard un lac se trouvait bien à proximité. Pour une planification durable de l’approvisionnement thermique, l’aménagement du territoire joue aussi un rôle clé. Notamment dans les petites et moyennes régions les aides pour choisir entre l’une ou l’autre solution énergétique sont importantes. Afin de faire face aux défis de demain, nous devons réfléchir comment réussir la décarbonisation de l’approvisionnement thermique en Suisse. La chaleur à distance propose ici d’énormes potentiels. Qu’en pensez-vous ? Dans le livre blanc sur la chaleur à distance en Suisse, les pronostics pour l’année 2050 indiquent que la chaleur à distance couvrirait près de 40 pourcent de la chaleur nécessaire. Les estimations indiquent cependant que seuls 10 pourcent sont couverts par les réseaux de chaleur à distance. Nous voyons ici clairement que la marge possible de ces réseaux reste importante. Cela implique donc que nous devrions encore beaucoup investir dans la chaleur à distance d’ici 2050 ? Oui pour atteindre les 40 pourcent, nous devons investir environ un milliard de francs suisses par an dans la chaleur à distance en Suisse. Notez cependant que ce chiffre n’est qu’une vague estimation mais le volume est bien de cet ordre-là. Il s’agit d’une somme considérable que le secteur devra débloquer. La stratégie énergétique 2050 est souvent associée aux notions comme ‹ Couverture des pics › ou encore ‹ zéro net ›. Les pics de consommation sont aujourd’hui le plus souvent couverts par des combustibles fossiles. Quelles sont les autres stratégies d’après vous ? Il s’agit ici d’un sujet complexe et d’une question délicate du point de vue économique. Nous pouvons couvrir les pics de consommation dans une certaine mesure avec du bois ou avec une pompe à chaleur, mais avant qu’ils puissent faire concurrence aux énergies fossiles comme les chaudières au gaz ou au fioul, la route est encore longue. Comme alternative nous pouvons citer les réseaux thermiques qui comprennent un accumulateur de chaleur et utilisent ainsi nettement moins d’énergies fossiles pour couvrir les pics. Lorsque l’accumulateur est suffisamment conséquent, il couvre facilement les pics. Cette technique n’est pas nouvelle mais n’était pas prise au sérieux il y a dix ans. Aujourd’hui, nous avons progressé : nous pouvons au moins en parler lors de la planification des réseaux. Je pense que les technologies d’accumulation joueront dans le futur un rôle grandissant. Mais peut-être vaudrait-il mieux déplacer la discussion sur le ‹ zéro net › vers le ‹ très peu net ›. La couverture fossile se situe normalement dans les 20%. Si nous parvenons à la réduire autour de 5%, nous aurions un besoin nettement moindre en combustibles fossiles et cela serait déjà une grande avancée. Pour réduire cette part à zéro, nous devrions le payer au prix fort. On ne jette pas forcément l’énergie par les fenêtres si on installe une chaudière à gaz à côté ou si on en laisse une déjà en place. Il s’agirait simplement d’une réserve afin de couvrir les pics de consommation en espérant ne pas devoir l’utiliser. Qu’en-est-il des technologies autour de la chaleur à distance ? Existe-t-il encore matière à faire afin de mieux fonctionner ou gagner en efficacité ? La chaleur à distance s’appuie sur une technologie largement établie avec un bon niveau de développement. Pour les réseaux à basses tem01| 2021 21 20 |

pératures que l’on construit depuis seulement 10 à 15 ans, il existe sûrement une bonne marge de manœuvre afin de les améliorer. Cependant à l’heure actuelle, il n’est pas encore clair vers où les mises en pratique vont se diriger. Mais les technologies permettent déjà de largement construire des installations efficaces et de qualité. Le plus gros potentiel selon moi, est de mieux profiter de ce savoir-faire. Il arrive encore trop souvent que les installations soient surdimensionnées ou que les conditions locales ne soient pas suffisamment prises en compte. Mieux pensées, certaines installations de chaleur à distance fonctionneraient sans doute 30% moins chères. Cela veut dire que pour profiter de la chaleur à distance comme nous le souhaitons, nous avons besoin de plus de formations et de connaissances autour de ce sujet ? Tout à fait. Pour réaliser des infrastructures si complexes et les conserver, nous avons besoins d’experts. Malheureusement les entreprises de ce secteur n’échappent pas au manque de personnel qualifié. Une connaissance de base fondée sur le fonctionnement des installations de chaleur à distance se perd de plus en plus en raison des départs à la retraite. Encore 8 ans auparavant, il n’existait aucun ouvrage de base traitant du fonctionnement d’un approvisionnement thermique à distance. Au travers de notre travail à l’université et aux offres de formations initiales et continues, nous souhaitons bien sûr y remédier. Dans ce contexte, je crois que la recherche pourrait connaître un sursaut. Les questions pratiques qui apporteraient un progrès économique, devraient revenir au premier plan. Monsieur Prof. Ködel, merci beaucoup pour cet entretien. ACTUALITÉS Dans la centrale thermique d’Aubrugg, plus de 750 000MWh de chaleur et près de 44 000MWh d’électricité sont produits. Elle est intégrée dans le deuxième plus grand réseau de chaleur à distance de Suisse. Dans les installations de commutation électriques, le remplacement partiel nécessaire a été livré par Rittmeyer. Les installations de commutation pour les prises de charge de l’installation ainsi que l’éclairage du site doivent être complètement démontées au bout de 25 ans et mises aux normes de sécurité actuelles. Lors de l’équipement du site avec des lampes LED ainsi que de lors de l’intégration des installations de commutation dans les nouvelles technologies de conduite, Rittmeyer démonta l’ancienne installation puis la remplaça par 22 nouvelles armoires de commande. « Les mesures de modernisation se sont faites par étape et s’étendirent sur une année. Nous devions en aucun cas déranger le fonctionnement en cours », se souvient Igor Lijak, responsable de la construction des armoires de commande chez Rittmeyer en décrivant l’un des problèmes central. Son équipe se chargea de construire toutes les armoires de commande en usine à Baar puis de les y vérifier en amont afin de s’assurer de leur fonctionnement conforme aux normes en vigueur. Ils réalisèrent ainsi une mise en service rapide sur place. Roland Strebel, chef de projet chez ERZ Entsorgung + Recycling Zürich, se montre satisfait : « Tout s’est parfaitement déroulé. La coopération avec l’équipe de Rittmeyer s’est vraiment bien passée, elle fut très rapide et collégiale du premier au dernier jour. » Lumière et électricité pour la centrale thermique Nouvelles armoires électriques pour l’électronique

EXPERTISE PLUS FORTS ENSEMBLE Comment réaliser un approvisionnement thermique écologique, rentable et concurrentiel ? Christian Holzinger, Directeur de la société autrichienne aqotec GmbH, nous parle des solutions intéressantes dédiées à la chaleur à distance respectivement aux yeux du planificateur, du constructeur d’installations et surtout de ceux de l’exploitant. Le regroupement énergétique ouvre les voies de la réussite EXPERTISE 22 | 23 01| 2021

→ Travailler regroupés La chaleur à distance joue un rôle important vers la transition énergétique. L’exploitation de telles installations ne se laisse pas simplement comparer avec celle d’un fournisseur d’électricité. L’ingénierie et les technologies notamment la construction des conduites sont complexes, le personnel nécessaire plus important et les marges brutes faibles. Une raison de plus pour les exploitants de chercher des possibilités afin de mieux exploiter leurs regroupements. L’idée clé est de prendre en compte la répartition de la chaleur dans sa globalité – soit de sa production aux derniers consommateurs. Les regroupements disposant de plusieurs arrivées d’alimentation offrent de vrais potentiels. En fonction des besoins actuels dans le réseau et des tarifs possibles, on alimente soit avec de l’électricité soit avec de la chaleur. La chaleur résiduelle est accumulée de manière décentralisée chez le client ou centralisée dans les installations de production. Pour le bon fonctionnement d’un tel regroupement, tout doit parfaitement s’harmoniser. Une bonne planification et des solutions techniques intelligentes s’imposent donc. En combinant adroitement di�érents producteurs comme le chau�age classique au bois, la biomasse ou encore la chaleur résiduelle industrielle, il devient possible de mieux charger les di�érentes installations et par conséquent d’assurer leur exploitation rentable. « On profite ainsi toujours de la forme énergétique à ce moment au disponible meilleur prix ou abondante à un autre endroit », explique Christian Holzinger. Suivant la situation, la consommation ou de la courbe chronologique annuelle, on détermine les critères pour activer les di�érents producteurs. Les conflits d’intérêts entrainent le fonctionnement des centrales de cogénération avec de l’électricité au prix fort. Il ne reste alors que peu d’heures de fonctionnement pour produire la chaleur. C’est pourquoi, il est indispensable de trouver des solutions tampon et de couvrir l’énergie thermique avec d’autres sources. Profiter des structures existantes « Dans un lotissement largement habité, il est simple de créer un regroupement », pointe Holzinger. Notamment dans les régions citadines on trouve déjà des installations de production qui peuvent servir et être intégrées. Il donne comme exemple une école qui dispose d’un chau�age au gaz autonome et que l’on raccorderait ainsi au réseau de chaleur locale. La chaudière existante ne serait pas démontée mais deviendrait active dans le réseau. Elle y entre rapidement et sert de réserve. « De telles installations ne sont pas prévues pour la consommation thermique primaire mais on peut très bien s’en servir afin de couvrir les pics ou optimiser la charge d’autres installations », explique Christian Holzinger. L’été, la petite installation fonctionne plus rentablement lorsque le besoin thermique est moindre qu’une installation de biomasse qui exige une charge constante. Et en hiver, alors que le besoin thermique augmente, on peut allumer la chaudière pendant une à deux heures afin de compenser les pics de charge. « En fonction de la situation des di�érents regroupements et des conditions régionales, divers modèles s’imposent », souligne l’expert en chaleur à distance. L’alimentation des structures existantes comme une chaudière à gaz, des centrales de cogénération, de biomasse ou de chaleur industrielle résiduelle est soumise à un haut niveau de standardisation. Les raccordements « La clé du succès d’un regroupement naît de l’association d’installations existantes et nouvelles qui s’harmonisent parfaitement au niveau énergétique. » Christian Holzinger, Directeur d’aqotec GmbH

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