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01 | 2020 LE MAGAZINE CLIENTS DE RITTMEYER Couplage des secteurs Le stockage intelligent des énergies renouvelables Des possibilités insoupçonnées Profiter des redondances et des flexibilités Impliquer les clients Les projets de demain ouvrent la voie

ENTRE NOUS EntRE nOUS De l’électricité vers une énergie X Rapprochement des secteurs 01| 2020 2 | 3

‹ Sortie du nucléaire ›, ‹ Décarbonisation ›, ‹ Transition énergétique ›, des sujets qui impliquent tous que nous repensions complètement notre système énergétique. La production d’électricité et de chaleur à partir de supports énergétiques fossiles se raréfiant comme le pétrole, le charbon et le gaz, doit désormais faire place aux énergies renouvelables. Sans quoi, la décarbonisation est vouée à l’échec et dans le même temps l’atteinte des objectifs climatiques. La grande force des centrales conventionnelles (actuelles) est leur disponibilité permanente. Elles se laissent planifier et contrôler, fournissent de l’énergie en continu, 24/24H, en été comme en hiver. Le courant issu des installations photovoltaïques et éoliennes l’est nettement moins, sa production va et vient au même rythme que le support lui-même. En contre-partie, le renouvelable rime avec abondance. L’Institut Max Planck de météorologie a calculé par exemple, que le soleil fournit en seulement 3 heures, autant d’énergie que la consommation de toute la population mondiale en un an. L’énergie hydraulique et éolienne abondent aussi. C’est pourquoi les chercheurs parlent d’un passage d’une pénurie énergétique à un surplus énergétique au cours du prochain centenaire. Cependant : le changement de notre système énergétique s’annonce comme une tâche colossale et la coordination des mesures tel un exercice de haute voltige. Les seules technologies ne suffiront plus. Le cadre politique doit s’adapter, les questions autour de la rentabilité restent à clarifier et les accords écologiques à vérifier. La liste des questions sans réponse s’allonge, alors que la période prévue par la stratégie énergétique 2050 est plus que juste. Une chose que Pr Dr Gabriela Hug, Directrice de l’Institut de recherche sur la transmission de l’énergie électrique de l’EPFH de Zurich confirme. Lors de son interview que vous retrouvez à la page 6, elle nous explique comment son équipe de recherche et de nombreuses autres, s’efforcent de proposer des modèles variés afin de relever ces défis. Avec le changement des réseaux énergétiques, la question autour des réserves nécessaires s’impose de plus en plus. Le projet trinational ‹Power Alliance› apporte une réponse possible. Le chef de projet, Yves Wymann, montre comment profiter des capacités du réseau jusqu’ici laissées pour compte, grâce à une exploitation opérationnelle et financière (à partir de la page 16). Une autre réponse possible nous vient du regroupement Wasser- und Elektrizitätswerk Walenstadt (WEW) associé à l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) qui ont mit en place le projet ‹Courant de quartier› : 37 ménages échangèrent l’année dernière leurs surplus d’électricité issus de leurs installations photovoltaïques, le tout directement entre voisins de quartier. Christian Dürr, Directeur de la WEW, nous fait partager ses expériences à partir de la page 20. Toute aussi prometteuse, l’idée est de mettre en réseau les différents secteurs énergétiques – le ‹ couplage des secteurs ›. Ces technologies, aussi connues sous ‹ Power-to-X ›, permettent de transformer l’énergie électrique en une forme stockable comme le gaz, en vue d’une utilisation ultérieure. Nadine Brauchli, Directrice du secteur Énergie à l’Association des entreprises électriques suisses (AES) regrette cependant, que comme dans le passé, la politique n’observe pas les secteurs énergétiques de manière globale. C’est pourquoi, pour l’experte, le temps est venu d’évoluer et de revoir ce raisonnement (page 10). Dans la même logique, l’élargissement ciblé des réseaux thermiques pourrait devenir une association très intéressante. Les regroupements découvriraient ainsi de toutes nouvelles possibilités en vue d’une optimisation énergétique globale. Afin d’accompagner cette transition du mieux que possible sur le marché suisse, nous avons sommes joints dans le cadre d’un joint- venture, à la société autrichienne aqotec GmbH. Grâce à ce dernier, nous proposons des solutions complètes dédiées aux technologies de chaleur distantes et locales. Découvrez-les à partir de la page 28. Andreas Borer, CEO de Rittmeyer AG, et Christian Holzinger, Directeur général de la société aqotec GmbH nous parlent aussi à partir de la page 30 du marché et des possibilités qu’ouvrent une telle coopération. Hyundai Hydrogen Mobility et Hydrospider développent une mise en pratique de l’application ‹ Power-to-Gas ›. Au sein de la centrale hydroélectrique d’Alpiq à Gösgen, ils exploitent la plus grande installation d’électrolyse de Suisse afin de produire de ‹ l’hydrogène vert ›. Thomas Fürst nous explique à partir de la page 13, ce système écologique de l’hydrogène unique en Europe. Choisir un approvisionnement énergétique à la fois fiable, sécurisé, écologique, et porteur au niveau économique exige une planification soignée à long terme. Une chose que nos nombreux entretiens mettent clairement en évidence et que nous avons souhaité vous faire partager dans ce numéro. Ils nous montrent aussi qu’un dialogue constructif entre les fournisseurs, mais aussi au sein même de notre société, doit s’instaurer, et ce dès aujourd’hui. J’espère que le nouveau numéro de ‹ transfer › saura vous inspirer des discussions et des échanges stimulants entre vous, entre les secteurs mais aussi avec nous. Nous nous en réjouissons. Avec tous mes remerciements, André Kaufmann, Directeur du secteur Hydroélectricité

6 20 SOMMAIRE Mentions légales transfer est le magazine clients bisannuel de Rittmeyer AG. Éditeur Rittmeyer AG Un société du groupe BRUGG Inwilerriedstrasse 57, CH - 6341 Baar www.rittmeyer.com Directeur de publication Andreas Borer Rédaction et mise en page up! consulting ag, Ruggell (FL) Email à la rédaction transfer@rittmeyer.com Crédit photo RittmeyerAG,iStock (petovarga:S.1|elenabs: S. 5 | Weenee:S.5|ikryannikov:S.5|brichuas:S.7,9 | VectorPocket:S.13|filo:S.20–23 | TommL:S.28 | nimis69:S.30|fishbones:S.40–43 | mladensky:­ S.36–39), JensEllensohn(S.2),Gian Vaitl (S. 21), AdobeStock (lim_pix:S.11–12 | BluePlanetStudio:­ S.16–19), Poweralliance(S.18);Wasser-undElektrizitätswerkWalenstadt(S.4,22);Shutterstock­ (MartinSteiner77:S.36–39);ARA Morgental(S.44–47) Date de parution Mai 2020 Mauvaise adresse ? Veuillez nous informer sivotreadresseachangé: www.rittmeyer.com/adresse Les points de vue et les avis de tierces personnes qui sont publiés dans le cadre des articles, ne correspondent pas forcément avec les points de vue et avis de RittmeyerAG. 10 Un tandem d’avenir Décarboniser la Suisse : le couplage des secteurs 13 De l’hydrogène vert pour les poids lourds : un couplage réussi des secteurs énergie et mobilité 16 Mi-plein ou mi-vide ? Rendre les réserves dans le réseau électrique disponibles 24 Renforcé : l’infrastructure ICT encore mieux sécurisée pour la communication d’IBB 28 Nos forces réunies au service d’une chaleur distante écologique : Déjà prêt pour les exigences de demain 30 Une offre unique : Des compétences réunies au service de la chaleur distante 33 Une efficacité globale : la production d’électricité depuis l’eau potable à Sarnen 36 Une fusion tournée vers l’avenir : l’approvisionnement électrique à long terme chez tb.glarus 40 Une réponse modulable : Une gestion énergétique intelligente chez le fournisseur d’électricité 44 Bienvenue dans le parc énergétique ! D’une simple station d’épuration vers un fournisseur énergétique EXPERTISE & ENTRETIEN APPLICATION & REPORTAGE PRODUIT & ACTUALITÉS EN BREF Mutation du libre-échange L’approvisionnement en électricité de demain : Walenstadt l’a fait Des modèles contre l’incertitude L’intégration complexe des énergies renouvelables dans l’alimentation électrique. 01| 2020 4 | 5

50 70 % 70 –8 0% 75– 80 % 30 –5 5% 70 –9 9% 50 –6 0% 80 –9 8% 80 –9 0% 30 0– 45 0% * 30–40% 90% 80 –9 5% 10%, 90% Utilisation comme matière première ou comme carburant PO WE R-T OLIQ UID PO WE R-T OGA S PO WE R-T OGA S-T OPO WE R CE NT RA LE S D E PO MP AG E-T UR BIN AG E Ba tte ries de vo itu re com me ac cum ula teu r d’é lec tric ité GA S-T OHE AT PO WE R- TO -H EA T TR AN SP OR T CH AU FF E-E AU / TH ER MO PL ON GE UR PO MP E À CH AL EU R CENTRALE DE COGÉNÉRATION RÉ SE AU DE CH AL EU R D IST AN TE Degré de rendement Stockage à court terme possible Stockage à long terme possible avec couplage puissance-chaleur Vert H2 Méthane CH4 En BREF 79% 70% Couplage des secteurs de la consommation énergétique des ménages de l’UE passent dans le chauffageetl’eauchaude. de l’énergie dans l’industrie au sein de l’UEserventauchauffaged’espaceetdesprocessus, 26,7% à l’éclairage ainsi qu’au fonctionnementdesmachinesetseuls2,7% au refroidissement. En2016,deséoliennesengrandepartie,maisaussidesinstallationsphotovoltaïqueset des centrales de biogaz, ont été régulièrement coupées du réseau en Allemagne, afin denepassurchargerleréseauélectrique.Oncompteiciunepertedeprèsde3700GWhd’énergie. Les projets et les solutions dédiées au couplage des secteurs visent à résoudreceproblèmeenassociantl’électricité,legaz,lachaleur,letransport,ainsiqueles processus industriels afin de profiter pleinement des surplus de courant. La part des énergies renouvelables par rapport à la consommation d’électricité del’UEsesituaiten2018à32%.Sapartsur la consommation énergétique totale (courant,chaleur,carburants,etc.)­ n’atteignaitque18%. Sources :Eurostat,Wikipedia,Heise *L’efficacitéénergétiqued’unepompeàchaleurestindiquéeparlecoefficientdeperformanceannuel­ (COP) et se situe le plus souvent entre3et4,5.Unepompeàchaleuravec un COP de 3 a besoin par ex. d’1kWhd’électricitéafindeproduire3kWhdechaleur.­

INTERVIEW Madame Hug, avec une alimentation électrique sans énergie permanente comme l’offrent les centrales nucléaires, la disponibilité fluctuante des énergies renouvelables, les besoins énergétiques croissants des consommateurs, etc., comment prévoir le réseau de demain dans de telles conditions ? Cela s’avère en effet complexe. La physique ne joue ici qu’un rôle secondaire alors que la situation du marché, elle, est décisive pour savoir ce que nous allons et souhaitons réaliser. À cela s’ajoutent toutes les réglementations et directives qui indiquent clairement le chemin à suivre. Je pense notamment au commerce entre les communautés de consommateurs particuliers ainsi qu’à leurs limites. Pour concevoir une telle structure, nous avons besoin de modèles mathématiques qui décrivent le système global. À cette fin, les scientifiques et organismes interdisciplinaires travaillent ensemble : les secteurs économique, politique, électrotechnique, du génie mécanique et des technologies du bâtiment, la gestion des risques, etc. Ce travail interdisciplinaire, nous le réalisons en collaboration avec le Centre scientifique sur l’énergie de l’EPFZ, le Centre de recherche sur le réseau énergétique ainsi qu’avec diverses chaires. Nous accédons aujourd’hui à une alimentation électrique disponible à 100 %. Personne ne souhaite perdre ce privilège. Quelles questions doit-on se poser à cette fin ? Bien sûr lorsque l’on veut remplacer les centrales nucléaires par les énergies renouvelables, une question se pose : quelles réserves prévoir afin de compenser l’incertitude causée par l’alimentation renouvelable. Et ensuite, celle de leur stockage. Une autre question intéressante est ici d’observer l’évolution de l’alimentation énergétique chez nos pays voisins. L’ignorer, nous amènerait à d’autres conclusions quant aux possibilités d’import/export d’électricité. Si tout le monde mise sur le photovoltaïque, la consommation sera tout aussi faible à l’étranger pendant une journée peu ensoleillée. Modeler de telles relations pose un vrai défi. Comment pendre en compte le contexte international ? Une des idées est la plateforme ‹ Nexus-e › grâce à laquelle nous souhaitons étudier les questions complexes et interdisciplinaires. Par exemple, quelles sont les répercussions des décisions techniques, socioéconomiques et politiques sur la puissance du modèle énergétique de demain. Cette modélisation met en évidence les synergies entres les modèles existants et les paradigmes de modélisation actuels destinés à élargir les systèmes énergétiques. Des modèles contre l’incertitude L’intégration complexe des énergies renouvelables dans l’alimentation électrique. intERViEW Dequoiaural’airleréseaudedemain ?Etsurtoutcommentl’atteindre ?­ L’Institutderecherchesurlatransmissiondel’énergieélectriquedel’EPFHdeZurichsepencheprécisémentsurcesquestionsdanslecadre du groupe de travail autour de Pr Dr Gabriela Hug. Elle nous en faitpartetnousprésentelesnouveauxhorizonsquisedessinent. → 01| 2020 6 | 7

« Bien sûr lorsque l’on veut remplacer les centrales nucléaires par les énergies renouvelables, la question se pose quant aux réserves à prévoir et à leur stockage. » pr Dr Gabriela Hug, Directrice de l’institut de recherche sur la transmission de l’énergie électrique et les technologies Haute-tension, EpFH Zurich

INTERVIEW De grandes incertitudes entraînent des décisions régulatrices. Ces dernières jouent un rôle central sur la manière dont le réseau va se développer. Les subventions arrivent progressivement à leur terme, les procédures d’approbation s’éternisent : par ex. l’extension de l’énergie éolienne en Allemagne. De telles choses se laissent difficilement ‹ prévoir ›. Et comment prévoir le consommateur d’électricité ? Consomme-t-il plus ou moins, ou simplement différemment qu’aujourd’hui ? La stratégie énergétique 2050 s’est donnée comme objectif de nettement réduire la consommation générale d’électricité. Cependant : si nous voulons décarboniser à long terme l’ensemble de notre système énergétique, l’électrification des consommateurs est décisive. Il nous suffit de penser à la mobilité : augmenter la consommation électrique afin de substituer les formes énergétiques se raréfiant comme les énergies fossiles, devient essentiel. Tout ce qui repose sur les lois physiques se modélise relativement facilement. Par contre, lorsque nous nous appuyons sur des hypothèses, nous générons des incertitudes : quand et où utiliserons-nous des véhicules électriques ? Comment vont évoluer les coûts de production de l’électricité ? Et ceux des installations photovoltaïques ainsi que des réserves ? La plateforme « Nexus-e » nous aide ici aussi à évaluer de telles hypothèses. Elle rassemble les différentes pistes de recherche, met en évidence les interactions entres les secteurs énergétiques permettant d’harmoniser les différents aspects de la recherche. Cependant tous ces travaux restent très complexes et exigent d’énormes ressources de calcul que nous commençons juste à élargir (en souriant). À première vue, cela semble une situation « insoluble » ! ? Bien sûr que si, cela est tout à fait faisable ! La question des coûts reste néanmoins ouverte – comme c’est souvent le cas. Même si à l’avenir notre alimentation en électricité devenait plus chère, cela en vaudrait à mon avis, définitivement la peine. Car l’électricité de demain aura son prix. Ne nous contentons pas de compter les montants en Francs, prenons aussi en compte les coûts liés à la santé et à l’environnement qui pèseront de plus en plus lourds, si nous poursuivons dans cette voie. L’électricité est une chose dont nous souhaitons disposer, à laquelle nous ne voulons pas renoncer et pour laquelle il existe une grande disponibilité. Certaines études ont déjà calculé le coût de la fiabilité que le consommateur est disposé à payer. Nous pourrions par exemple définir des tarifs qui prévoient une réduction en cas de renoncement à l’électricité pendant une certaine période. Les modèles commerciaux influencent ainsi les réseaux physiques. Sans doute lors du vote en faveur de la stratégie énergétique 2050, bon nombre n’avait pas conscience qu’on ne peut pas simplement arrêter les centrales nucléaires, mais bien que nous avions besoin de l’engagement de chacun. Si les consommateurs d’électricité participent activement, proposent les flexibilités existantes tout en investissant, la transition énergétique a une vraie chance de réussir. Bien sûr cela serait plus simple et confortable de ne pas bousculer les habitudes des consommateurs afin de réaliser la stratégie énergétique 2050 : tout se déroulerait ainsi sans leur participation active. L’alimentation du réseau se décentralise, les réseaux gagnent en complexité et il est plus difficile de les planifier. Comment arriver à bout de tous ces changements ? À l’avenir, nous allons connaître plutôt une situation mixte composée de choses centralisées et de décisions locales. Un contrôle central comme c’est le cas aujourd’hui sera selon moi, impossible demain. Nous parlons de millions de valeurs. Et des données n’impliquent pas forcément des informations. Nous devons d’abord les interpréter avant de pouvoir nous en servir. C’est pourquoi il est essentiel de prendre des décisions intelligentes localement, et de partager ces informations au-delà de son propre réseau. Nous aboutirons ainsi à une meilleure surveillance globale de tout le réseau. Certes la communication entre les différentes unités demande plus d’effort, mais elle est à mes yeux, indispensable pour une mise en œuvre durable. Cela s’applique-t-il aussi hors de nos frontières ? Nous appartenons à un réseau européen gigantesque. Absolument. Toutes nos réflexions doivent désormais se faire main dans la main avec nos pays voisins. Nous devons interagir à l’international afin de l’intégrer dans nos planifications et nos décisions à long terme, et déterminer comment « Si les consommateurs d’électricité participent activement, proposent leurs flexibilités existantes tout en investissant, la transition énergétique a une vraie chance de réussir. » 01| 2020 8 9 |

et où se produisent les interactions. Il est clair que la dimension politique est loin d’être évidente. L’aboutissement d’accords sur l’électricité avec l’UE dépend aussi de l’évolution des discussions et négociations futures. Bien entendu une question persiste : à quel point souhaitons-nous dépendre de l’étranger ? Il serait absurde de dénucléariser nos centrales tout en important de l’électricité de pays voisins qui construisent de nouvelles centrales nucléaires. Cependant nous ne sommes pas en mesure de refuser l’électricité « mal » produite de l’autre côté de la frontière. Nous ne pouvons pas nous en détacher. Tout ceci se retrouve dans nos réflexions sur l’avenir de notre alimentation électrique. Ce chemin nous ouvre cependant les portes vers de nombreuses décisions que nous pouvons, et devons, prendre au niveau local. Notamment lorsqu’il est question de compenser les ressources locales décentralisées de manière optimale. L’impression que les choses ne progressent pas en Suisse est-elle trompeuse ? Cela est peut-être vrai dans une certaine mesure. Nous avons sans doute besoin de plus d’innovations dans le secteur des énergies renouvelables. Il est difficile de savoir ce qu’il faudrait : une nouvelle subvention ou un nouveau modèle commercial. Je vois notre tâche de plus en plus ancrer dans la recherche d’aides pour concilier la stratégie énergétique et la puissance requise. Nous nous intéressons peu aux subventions possibles, mais surtout à ce qu’il doit se produire au niveau du réseau : quelle compensation pouvons-nous espérer retirer de la flexibilité des clients ? Où pouvons-nous profiter des réserves ? Que pouvons-nous atteindre lorsque nous modelons précisément un Pouvons-nous nous rattraper ? Peut-être que la situation actuelle reflète simplement la mentalité suisse : plutôt prudente. Mais nous disposons tout de même d’une vraie chance : une grande partie de notre production électrique provient de l’hydroélectricité. Il est sans doute plus compliqué de passer du charbon aux énergies renouvelables en Allemagne qu’en Suisse, où nos réseaux en comportent déjà une large part. Cependant une question perdure : comment remplacer l’énergie nucléaire ? Pour faire évoluer une situation, nous avons besoin d’un moteur. Selon moi, nous croyons encore trop que cela peut attendre et que les nouvelles technologies ne sont pas encore prêtes. Nous progresserions à grands pas si les gens prenaient conscience de la complexité du réseau électrique, où la production et la consommation doivent parfaitement s’équilibrer. Bien sûr nous pouvons stocker un peu d’électricité, mais ces stockages sont beaucoup plus complexes à réaliser qu’une citerne de fioul ou un tas de charbon que l’on collecte et élimine au fur et à mesure. Voilà ce qu’il faut bien intégrer avant toute chose. À partir de là, nous pouvons expliquer que le seul photovoltaïque sans autre technologie à côté n’est pas une option. Madame Prof Dr Hug, merci beaucoup pour cet entretien. réseau et le dimensionnons de manière moins traditionnelle ? De telles questions, il en reste beaucoup, mais peu connaissent déjà des réponses satisfaisantes. Les fournisseurs d’électricité ne devraient-ils pas se préoccuper de telles questions ? Beaucoup le font déjà et même de petits distributeurs énergétiques sont motivés afin de participer activement. Un exemple n’est autre que la régie d’électricité EW de Walenstadt et son projet ‹ Courant de quartier › (note de la rédaction : lisez à ce sujet l’article à la page 20). Mais nous voyons aussi des fournisseurs plus conservateurs qui ne souhaitent pas jouer le rôle de pionner : voulons-nous vraiment participer, ou préférons-nous attendre et ne rien changer ? Une autre question s’impose : en tant que fournisseur énergétique, dois-je dépasser les ‹ frontières énergétiques › – électricité, gaz, eau, chaleur – ou plutôt rester isolé ? Cela dépend aussi beaucoup de la direction et à quel point les employés sont impliqués. Les autres pays sont-ils plus avancés que nous ? Suivant les aspects, chaque pays est plus ou moins avancé. Par exemple, la Norvège est une vraie pionnière en matière d’électromobilité, alors que côté éolien, on retrouve le Danemark en tête. Certes je ne peux pas évaluer si le développement des concepts énergétiques de demain progresse plus rapidement dans les autres pays, mais il est vrai qu’on a parfois l’impression que les choses stagnent un peu en Suisse. Gros plan sur PrDrGabrielaHug(*1979)estprofesseurattitréeentransmissiondel’énergieélectriqueàl’EPFZdeZurichainsiqu’unescientifiquereconnueauniveauinternational.Sesrecherchessefocalisentsurla conception et l’optimisation des réseaux énergétiques de demain. Elles’attacheàtoujoursàancrersesrecherchesdanslapratique.­

EXpERtiSE LES TANDEMS DE DEMAIN Décarboniser la Suisse : le couplage des secteurs Le référendum suisse en 2017 a approuvé la stratégie énergétique 2050 de la Confédération. Le peuple suisse a opté ici pour un usage accru des énergies renouvelables et une augmentation de l’efficacité énergétique. En signant les Accords de Paris sur la Protection de l’environnement, la Suisse s’est engagée à réduire les émissions en CO2.NadineBrauchlide l’Association des entreprises électriques suisses (AES), nous montre commentatteindrecesobjectifs.Unechoseestd’oresetdéjàcertaine,­ cela passera par le couplage des secteurs. EXpERtiSE Nadine Brauchli Directrice du secteur Énergie à l’Association des entreprises électriques suisses (AES) 01| 2020 10 | 11

power- to-Heat Gas-to- Heat Gas-toliquid power-toliquid power- to-GGGas Gas-to- power Zéro net D’ici 2050, la Suisse vise la neutralité en CO2. Pour cela, il est essentiel de décarboniser la consommation énergétique et de se concentrer sur les énergies renouvelables. Dans le même temps, il est crucial de s’appuyer sur toutes les alternatives existantes. Nadine Brauchli de l’AES en est pleinement convaincue. « Connecter l’électricité, le gaz, la chaleur, la mobilité mais aussi les processus industriels au niveau technique et de la rentabilité énergétique, permettra de profiter au mieux des ressources d’énergie », souligne la Directrice du secteur ‹ Énergie ›. Le couplage des secteurs assure l’intégration des énergies renouvelables comme l’éolien ou le photovoltaïque, dans le système énergétique. Il permet d’absorber les surplus d’énergie temporaires, de les transformer et de les mettre à disposition d’autres secteurs au travers par exemple, de gaz renouvelable. À la recherche de réserves Plus l’électricité gagne en importance, plus la consommation augmentera, notamment avec l’usage accru des pompes à chaleur et de l’électromobilité. Cette recrudescence ne se laissera cependant pas compenser par une meilleure efficacité énergétique. Face à l’objectif déclaré d’une neutralité en CO2, la consommation électrique européenne devrait augmenter de 20 à 50% d’ici 2035, comme le montrent les dernières études. Afin de faire face à la demande croissante et garantir la sortie progressive du nucléaire, l’élargissement de la production électrique nationale à partir d’énergies renouvelables s’impose. Le remplacement progressif et voulu des énergies fossiles dans la production électrique rend de plus en plus complexe la mise à disposition fiable d’électricité, notamment en hiver. Ainsi pour garantir l’approvisionnement, il faut s’appuyer d’une part sur les importations et d’autre part sur la réduction de la consommation. « Afin de compenser les fortes fluctuations de la production, nous avons besoin d’avantage de possibilités de stockage : un point où le réseau du gaz prendra de plus en plus d’ampleur », comme le souligne convaincue Nadine Brauchli. Ce réseau permet d’accumuler du gaz qui a été produit suite à l’électrolyse du courant éolien et photovoltaïque en surplus (‹ Power-to-Gas ›). Ce gaz renouvelable passe alors directement dans la mobilité et l’industrie. Les fortes réserves saisonnières assurent de reproduire de l’électricité en hiver. « ‹ Power-to-Gasto-Power › reste malheureusement encore un système non rentable », pointe Nadine Brauchli. Dépasser les barrières La voie à prendre se dessine clairement au cours de ces dernières années, comme le montre les objectifs climatiques allemands avec la sortie du charbon. L’experte a bien conscience que ces objectifs posent de vrais défis à la rentabilité énergétique. La spécialiste en est convaincue : le couplage des secteurs rapide s’avère indispensable. Mais les politiques énergétiques n’offrent aucune vision commune de tous les secteurs, regrette-elle. « Cela complique nettement la mise en œuvre d’idées économiques et écologiques pertinentes communes vers des solutions optimales s’étendant → GAZ CHAlEUR ÉlECtRiCitÉ Réserve de chaleur Réseaudechaleurdistante Cumulus d’eau chaude Réserves d’électricité Batteries Réserve de gaz Réseau du gaz Conduites de stockage Liquid Natural Gas (LNG) CiRCUlAtiOn Et tRAnSpORt Réserve de carburant

EXPERTISE aux différents supports et réseaux énergétiques. » Du point de vue historique, les secteurs s’appuient sur des cadres légaux différents qu’il est important d’harmoniser rapidement. D’après la spécialiste, le moment serait venu d’intégrer cette vision globale dans les réglementations, car bon nombre de lois et directives sont en pleine évolution (comme la loi sur les émissions de CO2, LApGaz, la révision de la LApEI, la révision de la LEne). Des réglementations hétérogènes entre la Confédération et les cantons entravent le développement rapide dans cette direction. Que faire ? Pour Nadine Brauchli, les choses sont claires ici : « Nous devons repenser les réglementations de manière à optimiser l’ensemble du système du point de vue énergétique et macro-économique, tout en garantissant la fiabilité de l’approvisionnement. Rien ne sert d’empêcher la concurrence entre les supports énergétiques ni de l’étayer. » Les acteurs du secteur ont ici besoin d’un accès sans discrimination aux réseaux du gaz et de l’électricité, souligne la spécialiste quant aux applications du gaz, tout en regrettant : « Certains cantons entravent purement et simplement les applications du gaz pour des raisons de politique énergétique et de réglementations. Nous sommes cependant convaincus du gaz renouvelable comme étant une véritable alternative. L’interdiction technologique est ici tout simplement contreproductive. » La mise en place de cadres uniformes applicables à tous les supports énergétiques établirait une concurrence positive tournée vers la suppression des gaz à effet de serre, appuie Brauchli pleinement convaincue. Un prix centralisé unique affecté au CO2 pourrait agir comme un levier efficace en vue de sa réduction. Même si l’AES souhaiterait un système directeur proche du marché, les politiques ne semblent pas encore prêts à aller dans ce sens. Une meilleure acceptance et de nouvelles formations Nadine Brauchli constate en outre un autre obstacle lié à l’élargissement des énergies renouvelables. Certes une vague verte déferle un peu partout, « mais sommesnous vraiment prêts à subir les conséquences d’une telle transition énergétique. La réponse ne se fait qu’au cas par cas. La majorité des gens plébiscitent l’énergie éolienne, mais n’en veulent pas prés de chez eux. » Le résultat : des discussions interminables, comme le souligne Nadine Brauchli tout en relevant : « La restructuration de l’approvisionnement énergétique ne peut pas progresser ainsi. » La transition énergétique et le couplage des secteurs ne peuvent pas avoir lieu sans s’appuyer sur des spécialistes. L’AES s’engage donc fortement dans la formation continue et initiale, afin de préparer dès aujourd’hui les spécialistes qui sauront relever les défis de demain. C’est pourquoi l’association laisse une large place à l’interconnexion des secteurs et à la transmission d’une vision globale sur les interactions lors de ces formations. « Au yeux des fournisseurs d’électricité, le gaz occupe une large place dans la stratégie globale. À l’avenir, ce dernier devra émané de plus en plus de gaz renouvelable ou de biogaz. » 01| 2020 12 | 13

H2 Associés aux exploitants des stations service ainsi qu’à divers partenaires logistiques et commerciaux, Hyundai Hydrogen Mobility et Hydrospider mettent en place unsystèmeécologiqued’hydrogèneunique en Europe. La plus grande installation d’électrolyse de Suisse qui produit de« l’hydrogènevert »estenserviceàlacentralehydroélectriqued’AlpiqàGösgen. Depuis quelques semaines, on produit de l’hydrogène « vert » à Gösgen, et ce, suffisamment pour que 40 à 50 poids lourds transportent chaque jour leurs marchandises de A à B. L’installation d’électrolyse transforme 2MW par heure à partir de 400 mètres cubes de gaz en une forme purifiée, soit 300 tonnes par an. L’énergie électrique nécessaire à cette fin provient exclusivement de l’électricité issue de l’Aar : « Toute la chaîne est ainsi complètement exempte de CO2, car lors de la transformation de l’hydrogène vers les piles à combustibles, on récupère de nouveau l’eau », se réjouit Thomas Fürst, Directeur de la société Hydrospider AG. Un couplage réussi des secteurs énergie et mobilité DE L’HYDROGÈNE VERT POUR LES POIDS LOURDS EXpERtiSE →

EXPERTISE Directement depuis le générateur électrique L’idéal c’est lorsque l’installation Power-to-Gas (P2G) se situe directement sur le site de production de l’électricité. À Gösgen, cette installation utilise la sortie d’une des cinq machines de 10MW de la centrale au fil de l’eau. Les 10 000 V sont alors transformés en 400 V, puis redressés. Huit piles d’électrolyse où chacune absorbe près de 600 A, séparent l’eau en ses deux composants de base, soit l’hydrogène et l’oxygène. On s’appuie à Gösgen, sur la membrane à électrolyse polymère (PEM). Certes complexe, ce procédé garantit une pureté de l’hydrogène de 99,9998% avec une pression de sortie de 30 bars. Stockage intermédiaire dans des containers Le gaz est alors compressé à une pression de 350 bars dans un compresseur en aval, puis stocké temporairement dans des containers : « Le gaz est ensuite livré au stations services depuis ces containers », explique Thomas Fürst. Ces derniers contiennent environ 350 kg d’hydrogène, qui suffisent pour dix pleins de camions. À plein rendement, l’installation sépare près de 370 l d’eau déionisée par heure en hydrogène et oxygène. Pour remplir un container, il faut environ 3 500 l d’eau, car le procédé dure entre 8 à 10 heures jusqu’à ce que l’installation de 2 mégawatts remplisse le container. Une énergie volumique exceptionnelle L’hydrogène est un support énergétique disposant de la plus forte énergie volumique par rapport au poids. Il accumule 120MJ/kg, soit trois fois plus que l’essence et 150 fois plus qu’une batterie Lithium. Le réservoir d’un camion contient près de 1 200 kWh, ce qui suffit à couvrir une distance de 300 à 400 km. L’installation laisse une impression massive : toute sa puissance passe au travers des conduites en inox de 12mm de diamètre sous forme d’hydrogène pour ensuite rejoindre le stockage. La puissance électrique absorbée par l’installation doit quant à elle, circulée au travers des câbles en cuivre d’une section de 1 600mm2. Une mélodie sortant tout droit du futur L’objectif est de produire l’hydrogène dans la mesure du possible directement près de la station service. On évite ainsi son transport qui s’effectue encore par voie routière. Les autres projets devront en tenir compte. Toute l’installation à Gösgen est adaptable car tout la technologie se module grâce aux containers compacts : « Nous avions pris en compte ces aspects comme si à Gösgen nous ne disposions pas de l’espace suffisant pour l’extension », souligne Thomas Fürst. La construction d’une station service à Gösgen n’a jamais été prévue. La production d’hydrogène est aussi synonyme de flexibilité dans le réseau de transmission : on réduit la puissance électrique en quelques secondes à moins de 10 kilowatts. Ainsi les installations pourront servir à l’avenir de puissance secondaire de régulation. Une technologie au fort potentiel L’hydrogène permettrait en outre de stocker temporairement les surplus d’électricité. Cependant la ‹ Roundtrip Efficiency ›, soit le rendement lors de la transformation de l’électricité en hydrogène puis de nouveau en électricité, reste encore trop faible. On atteint actuellement 40%, et selon les experts, on peut en espérer 50%. « Mais même avec un faible rendement, cette solution vaut bien mieux que de couper des installations photovoltaïques et éoliennes, car il existe temporairement une sur-offre en courant », souligne Thomas Fürst. Car une fois le courant perdu, le rendement s’élève tout bonnement à zéro. Hyundai souhaite d’ici 2025, introduire 1 600 poids lourds électriques à piles de combustibles à transmission par hydrogène sur le marché suisse. Cela demanderait 40 à 50 installations de la taille de celle de Gösgen. Une perspective qui suscite déjà un grand intérêt : « L’hydrogène vert nous aide dans le couplage intelligent et efficace des secteurs. » Thomas Fürst, Directeur de la société Hydrospider AG 01| 2020 14 | 15

O2 H2O H+ H2 notamment pour les livraisons régionales, où la distance et la charge utile sont importantes, la pile à combustible déploie ici tous ses atouts. Couplage des secteurs « L’hydrogène vert est la clé vers une transformation complète et efficace des combustibles fossiles en piles à combustibles sans émission, dédiées à l’électromobilité. » Thomas Fürst en est pleinement convaincu. La communauté scientifique s’accorde depuis longtemps sur la nécessité de réduire les émissions en Co2. Seulement les politiques continuent de croire que la transition énergétique n’est qu’une question de conviction. Power-to-Gas (P2G) Afindestockerl’électricitéàlongterme,latechnologiePower-to-Gasoffredesperspectivestrèsprometteuses.Elleutiliselessurplusphotovoltaïquesetéoliensafinderécupérerdel’hydrogèneàpartirdel’eaugrâceàl’électrolyse.L’hydrogène peut ensuite être stocké puis retransformé en courant au travers d’une pile à combustible. Il permetalorsd’entraînerlemoteurd’unvéhiculeouencoredegénérerdelachaleur.L’hydrogènepeut aussi être injecté dans le réseau du gaz naturel qui dispose déjà d’une vaste infrastructure de distribution et de stockage. Lorsque le courant nécessaire à l’électrolyse est récupéré depuis des énergies renouvelables, comme c’est le cas àGösgen,toutelachaîneestalorsexemptedeCO2.Deplusle« carburant »estparfaitementécologiquecarleproduitinitialcommeceluifinal,­ n’est autrequedel’eau. Une coopération vers une mobilité sans émission Hyundai Hydrogen Mobility est un joint de venture entre la société coréenne Hyundai Motor Company et la société suisse H2 Energy. Hydrospider est un joint de venture entre les deux sociétés suisses Alpiq et H2 Energy ainsi que la société allemande Linde. Associés à l’organisme H2 Mobilität Suisse, les partenaires développent un modèle commercial pour une mobilité sans émission des véhiculesutilitaires.Cederniercouvretoutelachaîned’approvisionnement :lespoidslourdsà piles à combustibles d’Hyundai, la production d’hydrogènevertparHydrospider,laplanificationet l’organisation de l’infrastructure de remplissage par les membres de l’organisme H2 Mobilität Suisse, ainsi que les entreprises de transport et de logistique qui utiliseront à l’avenir les camions à pilesàcombustibles. Membrane Cathode Anode

EXPERTISE MI-PLEIN OU MI-VIDE ? EXpERtiSE Rendre les réserves dans le réseau électrique disponibles 01| 2020 16 | 17 transfer

La quantité accessible à partir d’énergies renouvelables, notamment de l’éolien et du photovoltaïque, fluctue fortement. Afin de mieux les intégrer dans le réseau, ces dernières devront gagner en flexibilité. Voilà sans aucun doute la seule manière d’ajuster la demande en électricité face à un pic ponctuel dans la production issu des énergies renouvelables. Aujourd’hui aucun ajustement n’a lieu : le générateur de courant vert est souvent simplement coupé du réseau en cas de sur-production. L’objectif déclaré de la Suisse n’est autre qu’une décarbonisation quasi totale de sa production électrique. Afin de renoncer aux énergies fossiles et nucléaire, il est indispensable d’étendre la production renouvelable d’électricité. Dans le même temps, la capacité de production déjà en place dépassera largement le niveau de consommation : un problème complexe auquel les réseaux électriques seront confrontés. Les technologies telles que Power-to-Heat (P2H) ou Power-to-Gas (P2G) s’imposent de plus en plus comme solutions, car elles absorbent le surplus d’énergie tout en réduisant le cas échéant, leur consommation électrique. Pour limiter l’extension du réseau à une taille raisonnable, des solutions intelligentes deviennent décisive. L’objectif est de décaler les charges tout en profitant des potentiels existants. Avec ‹ Poweralliance › : profiter des réserves existantes du réseau Les réseaux électriques sont dimensionnés de façon à encore transmettre les pics de puissance attendus. C’est pourquoi les réseaux → L’extensiondesénergiesrenouvelablesestactuellementsouhaitée­ partout dans le monde, l’électrification des procédés industriels et de la mobilité ne cesse de croître. On part du principe que l’élargissement du réseau électrique sera inéluctable. Afin de conserver ce dernier à une taille raisonnable, il est impératif d’utiliser intelligemment les ressources existantes. ‹ Poweralliance › propose une idée très prometteuse. « Grâce à Poweralliance, nous transformons les capacités redondantes du réseau en une exploitation opérationnelle et financière. » Yves Wyman, Directeur du secteur ‹ Operations Digital Energy Solutions Suisse ›, chez Alpiq Digital AG et responsable du projet ‹ poweralliance ›

EXPERTISE poweralliance partage la capacité physique du réseau moyenne tension en deux secteurs : une bande ( jaune) sert à approvisionner les charges exigeant un haut degré de sécurité de l’alimentation (‹ n-1 ›), la deuxième bande (bleue) sert à approvisionner les charges dispensables. l’exploitant du réseau compare la sommes des prévisions des clients avec la capacité du réseau, accepte ces dernières (voyant au ‹ vert ›) ou les renvoient pour leur ajustement (‹ voyant jaune ›, étranglement du réseau). Capacité du réseau (%) Sécurité n-1 Sécurité simple 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 Évolution journalière électriques de moyenne tension actuels (niveau 5), exceptés quelques tronçons de lignes, sont tous redondants. On parle ici d’une ‹ sécurité d’approvisionnement (n-1) ›. Cela veut dire que lors de la défaillance d’une section du réseau, ce dernier fournit toujours la puissance maximale prévue sans aucune coupure. « Dans le même temps, cette réalisation implique que les réseaux annulaires ne sont chargés qu’à 50% et la capacité restante à l’abandon », explique Yves Wymann, Directeur du secteur ‹ Operations Digital Energy Solutions Suisse › chez Alpiq Digital AG et responsable du projet ‹ Poweralliance ›. En utilisant ces ressources jusqu’ici perdues, le réseau électrique de moyenne tension ne devrait plus être élargi ou du moins dans des proportions moindres. Associer la demande à l’offre volatile de l’électricité, améliorerait selon Wymann, la rentabilité globale et stimulerait l’utilisation flexible des charges électriques grâce à l’augmentation de la capacité du réseau. Les réactions du réseau gagneraient en souplesse aussi bien au niveau de la demande que de l’alimentation de ce dernier. Deux « charges différentes » ‹ Poweralliance › différencie deux types de charges en fonction de leur exigence en matière de sécurité d’approvisionnement. D’un côté, on retrouve les ‹ charges indispensables › qui dépendent complètement du besoin et dont la disponibilité est primordiale : par exemple les machines de production, l’éclairage ou les systèmes de communication. D’autre part, on retrouve les ‹ charges dispensables › comme les technologies liées au couplage des secteurs et au stockage : photovoltaïque, éolien, électrolyleurs (P2G), réserves à batteries ou encore l’électromobilité. Elles tolèrent une sécurité d’approvisionnement plus faible et leur utilisation dépend des prix de l’électricité. Les risques émanant d’une éventuelle coupure électrique restent limités. ‹ Poweralliance › s’en sert ici : « L’idée est d’alimenter toutes les charges indispensables via la partie sécurisée (n-1) du réseau électrique moyenne tension, alors que les charges dispensables seraient alimentées par la redondance actuellement encore inaccessible », explique Yves Wymann. Encore plus de technologies ICT. Et un autre tarif. Afin de réussir une gestion des charges intelligente au service du réseau et éviter que les charges dispensables ne dépassent la capacité du réseau, les exploitants des réseaux de distribution ont besoin d’informations sur leur utilisation – une chose encore absente. ‹ Poweralliance › apporte ici une solution judicieuse : « L’utilisation des flexibilités au service du réseau passe par le client lui-même », explique Wymann en décrivant l’idée. « L’exploitant du réseau se contente de définir le cadre : il propose des capacités et en fonction des informations, libère des lignes ou les bloque en cas de réduction de la puissance. » Selon Wymann, pour atteindre cet objectif, les charges dispensables ont besoin d’un autre modèle tarifaire. Outre les prix de l’énergie déterminés par les lois du marché, un tarif plus économique pour le reste des coûts, soit le réseau, les taxes et les dépenses, serait nécessaire. « Ainsi la seule ‹ sécurité n › d’approvisionnement deviendrait acceptable pour les flexibilités orientées par le prix, comme les 01| 2020 18 19 |

« Poweralliance double la capacité du réseau de niveau 5 – sans aucune construction physique. » accumulateurs ou les technologies de couplage des secteurs. » Cependant à l’heure actuelle, il n’existe aucun cadre semblable. Ces derniers doivent être créés. En outre, l’électrification des processus industriels n’est souvent pas une alternative judicieuse. Les rémunérations, dépenses, répartitions et les taxes sur l’électricité sont supérieures par exemple à celles sur le gaz naturel. « Nous indiquons clairement dans nos conclusions qu’un nouveau modèle tarifaire dont les taxes, dépenses et répartitions sur l’énergie encourage la décarbonisation, s’impose », confirme Yves Wymann. Les coûts pour les technologies de communication (ICT) nécessaires à la mise en œuvre de l’idée de ‹ Poweralliance ›, sont déjà calculables en vue de créer de nouveaux tarifs. Les réglementations actuelles ne permettent cependant pas aux exploitants de réseau d’avoir des recettes complémentaires en mieux chargeant la capacité redondante du réseau. Ces recettes doivent être rebasculées, enlevant ainsi tout intérêt financier. Un concept élégant Les experts ne s’accordent pas sur le fait de limiter la transition énergétique en électrifiant les secteurs du chauffage et des transports grâce aux énergies renouvelables. Grâce à ‹ Poweralliance ›, les charges électriques qui favorisent la transition énergétique, profitent d’un avantage économique. En s’appuyant sur la capacité du réseau, elles aident à absorber les surplus de courant et évitent ainsi de couper la production d’électricité issue des énergies renouvelables. Les recettes provenant de l’ancien ‹ système › n’en sont pas affectées, au contraire, la meilleure utilisation du réseau grâce aux charges dispensables, entraîne d’autres gains. « Du point de vue macro-économique, le modèle ‹ Poweralliance › pourrait bien rencontrer un franc succès : se servir d’un revenu dormant et réduire de manière raisonnable les coûts de la construction du réseau grâce à une utilisation intelligente des technologies de communications (ICT) », résume Yves Wymann. En fait c’est très simple : le réseau de transmission est soit à moitié plein ou, le plus souvent, à moitié vide. Power Alliance PowerAllianceestunprojettrinationalsubventionnéparl’Officefédéraldel’énergieOFEN,lepartenaireallemandJülichPTJetl’InstitutderechercheautrichienFFGsouslaresponsabilitédelasociétésuisse­ Alpiq AG. Trois écoles supérieures suisses (FHNW, ZHAW et HSLU), divers partenairestechnologiquesainsiqu’unexploitantderéseausuisseetunallemand avec leurs clients pilotes respectifs participent au projet. Vous trouverez d’autres informations dans les conclusions parues dans lerapportdenovembre2019del’OFEN :­ www.aramis.admin.ch/Texte/?ProjectID=38204­

EXPERTISE L’approvisionnement en électricité de demain : Walenstadt donne le ton LE LIBRE-ÉCHANGE EN PLEINE MUTATION EXpERtiSE Avec le projet ‹ Courant de quartier ›, Walenstadt a ouvert la voie verslepremiermarchéd’électricitélocalenSuisse.Dansunpremiertemps accessible pour une durée limitée, ce projet pilote de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) a permis à37ménagesd’échangerentreeuxlecourantphotovoltaïqueproduitlocalement.L’objectif :­ consommer le plus possible son propre courant dans son quartier. ChristianDürrdelarégieWasserundElektrizitätswerkWalenstadt­ (WEW)estconvaincuquecemodèleestporteurdenouvelleschancespourlesfournisseurs–danslamesureoùonestprêtàenprofiter. 01| 2020 21 20 |

Un marché idéal aux mains des clients L’ouverture du marché de l’électricité n’est plus très loin, une chose dont Christian Dürr, Directeur de la régie WEW, est pleinement convaincu. Comme le kilowattheure d’énergie est hautement spécifié, la différenciation ne passe que par le prix. Ce marché est loin d’être lucratif pour les fournisseurs. Christian Dürr vient de l’industrie et connaît très bien les besoins des clients et les processus épurés. « Depuis la suppression de la rétribution à prix coûtant (RFC), on préfère consommer son propre courant », explique-t-il l’idée qui se cache derrière le projet ‹ Courant de quartier ›. Celui-ci vise à réduire au maximum les intermédiaires entre la production et les consommateurs afin de déterminer les coûts pour le client. À cette fin, on a mis en place un marché pilote pour un échange local de l’électricité au sein du quartier ‹ Schwemmiweg › à Walenstadt. Le marché s’appuie sur l’infrastructure existante en possession des clients de la WEW. Les installations photovoltaïques participantes produisent près de 300000kWh de courant par an alors que la consommation du quartier s’élève à environ 250000kWh. « Une seule chose manquait : la flexibilité. Cinq propriétaires investirent en amont du projet dans une batterie, puis on ajouta quatre autres accumulateurs au fil du projet », raconte Christian Dürr. 75 appareils de mesure furent installés chez les ménages dans le cadre de ce projet afin de permettre la commercialisation. La régie d’électricité a participé ellemême au marché du courant local. Elle a acheté les surplus d’électricité photovoltaïque, a fourni le courant du réseau lorsque le quartier ne produisait pas assez d’énergie et a mis l’infrastructure du réseau entre les ménages à disposition. L’interface Web du ‹ Courant de quartier › transmet les données à partir des grandeurs connues et sous forme de diagrammes synoptiques. Elle renforce la compréhension des utilisateurs du secteur de l’électricité. « Nos clients sont vraiment devenus des spécialistes de l’électricité grâce à notre projet ‹ Courant de quartier ›. » Christian Dürr, ingénieur en génie électrique FH/nDS, Directeur de la régie Wasser- und Elektrizitätswerk Walenstadt →

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